mardi, avril 30
Patricia Lyfoung, autrice de bande dessinée et créatrice de la série « La Rose écarlate », chez elle, le 20 novembre 2023.

Patricia Lyfoung appartient à cette catégorie d’artistes ayant trouvé leur place après avoir longtemps eu le sentiment d’être « assis entre deux chaises », selon ses termes. Sa série phare, La Rose écarlate, dont le vingtième tome est paru en novembre 2023 aux éditions Delcourt, en est la meilleure illustration. Quand elle a présenté son projet, il y a deux décennies de cela, la dessinatrice avait opté pour un format franco-belge et des couleurs à chaque page, en dépit d’un style graphique très inspiré du manga. « J’ai énormément travaillé pour qu’au niveau technique on ne puisse pas me dire que c’était mal fait, même si l’on n’aimait pas », se souvient-elle. Cela ne l’a pas empêchée de « prendre pas mal de tomates, parce que le public qui lisait du franco-belge à l’époque ne comprenait pas pourquoi il y avait de telles ruptures de style ».

L’autrice de 47 ans est en effet l’une des premières bédéistes françaises à revendiquer ouvertement une influence manga à une époque où le genre n’était ni aussi florissant ni pléthorique sur le marché hexagonal. N’en déplaise aux mécontents, les aventures de Maud de La Roche, dont un tome paraît en moyenne chaque année, connaissent un succès sans appel : en 2015, la série avait dépassé 1,2 million d’exemplaires vendus en langue française.

Maud est une jeune aristocrate plus portée sur l’escrime que sur les mondanités qui décide de devenir une justicière masquée pour venger la mort de son père. Ce Robin des bois au féminin est née aussi d’« une certaine colère », celle de ne pas voir, quand Patricia était jeune, de BD pour filles dans les rayons. Sous le crayon des hommes, les héroïnes « étaient soit la fille à sauver, soit la dure à cuire, un homme avec une paire de seins », schématise-t-elle. Ce constat l’a motivée à retrousser ses manches et à donner vie à un personnage « à la fois fort et fleur bleue ».

Influence du « Club Dorothée »

Son mélange d’influences, qui puise autant dans la série romantique Sambre (Glénat) d’Yslaire que dans les mangas de Rumiko Takahashi (Ranma 1/2, Maison Ikkoku, Delcourt), d’Hiromu Arakawa (Fullmetal Alchemist, Kurokawa) et de Riyoko Ikeda (La Rose de Versailles, Kana), trouve son origine dans un autre tiraillement : l’envie de « s’extraire de son milieu », sans pour autant oublier d’où l’on vient.

Deuxième fille d’une famille de huit enfants appartenant au groupe ethnique des Hmongs du Laos, Patricia Lyfoung a grandi dans une cité de Villeneuve-la-Garenne, l’un des secteurs « les plus pauvres des Hauts-de-Seine ». « Je me sens totalement française, mais, à ma tronche, je ne fais pas très française, confie l’autrice. Je n’étais pas trop communautaire et j’avais plutôt envie de sortir de mon environnement. Il y a toujours quelqu’un pour vous aider dans la communauté. Mais le revers, c’est aussi que l’on n’est jamais seul et qu’il faut se plier à beaucoup de règles tacites. »

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