dimanche, avril 28

Agnieszka Holland a grandi sous la dictature communiste. A 13 ans, elle a perdu son père, qui s’est jeté par la fenêtre après avoir été accusé à tort d’espionnage par le régime. Des épreuves qui ont jalonné sa vie, elle a tiré une force qui lui a permis de mener une remarquable carrière de réalisatrice entre la Pologne, la France et les Etats-Unis. A 75 ans, la cinéaste engagée, qui combat le populisme nationaliste du parti Droit et justice (PiS), a été la cible de violentes attaques par la droite conservatrice polonaise à cause de son dernier long-métrage, Green Border (Prix spécial du jury à la Mostra de Venise), qui traite du sort des migrants entre la Biélorussie et la Pologne.

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Je ne serais pas arrivée là si…

… Si ma mère n’avait pas eu foi en moi. Elle m’a élevée avec l’idée que j’étais spéciale mais aussi privilégiée. Je pouvais faire ce que je voulais, mais je devais partager. A chaque fois que je désirais un jouet, une poupée, et l’obtenais, elle me racontait l’histoire d’un enfant qu’elle connaissait, malade ou plus pauvre, qui n’avait pas ma chance, et m’invitait à lui donner ce que je venais de recevoir. Elle m’a appris à ne pas m’attacher aux choses matérielles.

Comment était votre mère ?

Elle était très belle, tendre, tout en manquant de confiance en elle. Sa mère est morte quand elle avait 6 mois. Son père s’est remarié avec une femme qui n’était pas très aimante. J’ai compris à quel point ma mère était marquée par cette blessure d’enfance. Elle est née dans une famille catholique, mais a perdu la foi très tôt. Elle a tellement prié − en vain − pour que sa mère revienne, qu’elle s’est dit que Dieu n’existait pas.

D’où viennent vos grands-parents maternels ?

Mon grand-père était issu d’une famille paysanne nombreuse et très pauvre. Il est devenu instituteur. Au moment où ma mère est née, il était inspecteur des écoliers dans la région de Volhynie [aujourd’hui en Ukraine]. Les enfants y parlaient ukrainien, mais le gouvernement, qui voulait montrer que la région était « polonisée », a demandé à mon père de falsifier les statistiques, ce qu’il a refusé de faire. Il a été chassé de son poste. Comme quelqu’un qui est parti de bas, il prenait très au sérieux les droits et les devoirs. Cette attitude a influencé ma mère et, d’une certaine façon aussi, mon caractère.

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Et du côté de votre père ?

Il était issu d’une famille juive, assez pauvre aussi, mais nourrissant pour leur seul garçon de hautes ambitions. Il était très doué. Il a fait des études de médecine au moment où c’était très difficile pour les juifs d’y accéder. Mes grands-parents sont morts dans le ghetto de Varsovie avant la grande déportation des juifs. Les frères et sœurs de mon grand-père, qui était tailleur, ont tous disparu dans l’Holocauste. Mon père s’est engagé très tôt dans les jeunesses communistes. Plus tard, quand les Allemands ont attaqué l’Union soviétique, il est entré dans l’Armée rouge. Et quand Staline a créé une deuxième armée polonaise, il s’est engagé et a marché jusqu’à Berlin. Après la guerre, il a travaillé pour un journal destiné à la jeunesse communiste. C’était un stalinien fervent. Mais, en même temps, un homme révolté qui n’était pas très commode avec les dirigeants du parti. Il a eu très vite des problèmes.

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