vendredi, mai 10
Pierre-Auguste Renoir, Edgar Degas, Frédéric Bazille et Claude Monet, dans le docu-fiction « 1874. La naissance de l’impressionnisme », d’Hugues Nancy et de Julien Johan.

ARTE – SAMEDI 27 AVRIL À 20 H 50 – DOCU-FICTION

D’un docu-fiction, on peut attendre le meilleur, ou le pire. Nous sommes ici dans le premier cas : la longue marche des peintres impressionnistes est précisément et vivement racontée, depuis la découverte des merveilles que permet la peinture de plein air, sur le motif, une illumination vécue par le jeune Claude Monet, entraîné par Eugène Boudin sur les falaises normandes, jusqu’à cette exposition légendaire de 1874 qui, grâce à un critique malveillant, donnera son nom au mouvement.

Le contexte historique est bien brossé aussi : nous sommes dans la seconde période du règne de Napoléon III, celle qu’on qualifie de « libérale », au sens ancien du terme. La France connaît un développement économique remarquable, marqué par l’essor de l’industrie et des infrastructures, dont le chemin de fer. Ce dernier, qui met la campagne à portée de Paris, tout comme l’invention du tube de peinture, plus maniable que les anciennes vessies contenant les couleurs, permettent aux jeunes peintres d’aller arpenter la forêt de Fontainebleau, où les ont précédés quelques pionniers, comme Théodore Rousseau ou Gustave Courbet.

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Or, cette libéralisation du régime et ces idées nouvelles n’enchantent pas tout le monde, notamment le milieu de l’art académique, qui campe farouchement sur ses traditions. Avec ses camarades Frédéric Bazille, Pierre-Auguste Renoir et Alfred Sisley, Monet s’y heurte dans l’atelier de Charles Gleyre, qui persiste à leur enseigner un « beau idéal », issu de l’antique. Le quatuor s’enfuit, décidant de se donner pour seule guide la nature. Ils formeront le noyau initial de ce que l’on a nommé le « groupe des Batignolles », du nom de ce quartier de Paris nouvellement construit par Haussmann, où Bazille a son atelier. Les rejoindront bientôt Edgar Degas, Camille Pissarro, Paul Cézanne ou Berthe Morisot, qui doit, pour devenir artiste, surmonter un handicap supplémentaire : c’est une femme…

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Soutien d’Emile Zola

Leurs débuts ont été tolérés : ils sont presque tous acceptés aux Salons de 1865 et 1866, et ils y rencontrent un accueil relativement indulgent de la critique, avec le soutien notable d’Emile Zola, 26 ans à l’époque, qui s’engage véritablement dans la défense de leur peinture : « J’ai cherché des hommes dans la foule de ces eunuques », écrit-il à propos des exposants du Salon, pour mieux mettre en valeur cette jeune génération qui lui permet de développer sa théorie du naturalisme. Cela lui coûtera son poste de journaliste, et déplaît aussi au jury du Salon : en 1867, ils sont tous refusés. C’est le début de la misère pour la plupart d’entre eux.

Mieux doté, Bazille soutient financièrement ses amis, mais il est tué durant la guerre de 1870. Toutefois, réfugiés à Londres, Monet et Pissarro rencontrent celui qui inventera le marché de l’art moderne, Paul Durand-Ruel. Sa galerie offrira une alternative au Salon. Sauf qu’elle ne peut accueillir tout le monde. Ainsi créent-ils une société anonyme coopérative d’artistes peintres, sculpteurs, etc., afin d’organiser des « expositions libres, sans jury ni récompense ».

La première a lieu dans l’atelier du photographe Nadar : plus de 200 œuvres y sont exposées en 1874, dont Impression, soleil levant, de Monet. Croyant faire un bon mot, un critique se dit « impressionné » par ces « impressionnistes ». Un mouvement est né : il a changé l’histoire de l’art.

1874. La naissance de l’impressionnisme, docu-fiction d’Hugues Nancy et Julien Johan (Fr., 2023, 96 min). Sur Arte.tv jusqu’au 25 septembre.

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