samedi, mai 11
Kévin est couvreur en formation, il aime monter sur les toits. De là-haut, il regarde sa ville. Il l’adore. La passagère, c’est Lucy. Le petit voisin, à l’arrière, c’est un peu comme leur gosse. Pendant les vacances, ils le trimballent partout. Ils sont comme une famille, c’est rigolo. Pourtant Kévin ne se mariera jamais. Photographie extraite de la série « C’est beau juste un jour l’amour », de Stéphanie Lacombe.

Sur les murs de la Bibliothèque nationale de France (BNF), la France donne à voir d’elle-même un visage pour le moins éclectique : une exposition fleuve et labyrinthique, intitulée « La France sous leurs yeux », présente près de 500 images, signées de 200 photographes qui ont parcouru en long et en large l’Hexagone, jusque dans ses confins ultramarins. Les auteurs et autrices, célèbres ou peu connus, sont les lauréats d’une grande commande nationale lancée à la suite de la pandémie de Covid-19 pour venir en aide aux photojournalistes frappés par l’arrêt brutal de leur activité.

Avec un budget record de 5,46 millions d’euros, et un nombre de boursiers impressionnant, l’entreprise intitulée « Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire », et pilotée par la Bibliothèque nationale, était « d’une ampleur totalement inédite », souligne Héloïse Conesa, conservatrice à la BNF. Avec sa collègue Emmanuelle Hascoët, elle a consacré ces quatre dernières années, intenses, au suivi des photographes et des projets, sélectionnés par deux jurys successifs. Les chiffres ont de quoi donner le tournis : près de 1 500 photographes avaient postulé, avec à la clé une bourse, un reportage de sept mois, et la perspective de voir dix tirages, présentés sur un site spécifique, intégrer définitivement les collections nationales.

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Le montant exceptionnel de la dotation – 22 000 euros pour chaque photographe, à dépenser librement – a été vécu par les intéressés comme un bol d’air financier. « La problématique, c’était d’abord de les faire bouffer, résume Marion Hislen, ancienne déléguée à la photographie au sein de la direction générale de la création artistique du ministère de la culture, à l’initiative du projet. Par rapport aux grandes commandes historiques du passé, on a préféré avoir beaucoup plus de lauréats, et moins de temps pour les projets. Car, après le Covid, c’était la panique chez les photojournalistes. »

« Une dotation exceptionnelle »

La photographe documentaire Lizzie Sadin, spécialisée dans les travaux au long cours sur les atteintes aux droits humains, confirme que pendant la pandémie, pour elle, « professionnellement, tout s’est arrêté : plus de travail, plus de revenus ». Grâce à la bourse, elle a créé un binôme avec la documentariste Juliette Subra pour se plonger dans le difficile sujet des violences conjugales – un phénomène qui a explosé pendant le confinement. « Cette bourse m’a permis d’acheter un appareil plus silencieux », salue la photographe, qui regrette juste que la somme soit imposable – contrairement aux autres prix qu’elle a reçus pour son travail.

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