jeudi, mai 2

Livre. Spécialiste du terrorisme islamiste à la rédaction de Mediapart, auteur de nombreux ouvrages consacrés au sujet, Matthieu Suc pourrait aisément se reconvertir dans la fiction, catégorie thriller haut de gamme, avec effets de réel et documentation serrée au service d’une intrigue haletante.

Son Vendredi 13 (2023, HarperCollins), récit minutieux des attentats du 13 novembre 2015 et de leurs suites répond à tous les critères du genre, à ceci près : tout y est vrai, depuis la marque du blouson porté par un policier de la direction générale de la sécurité intérieure, qui assistait au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan lors de cette soirée fatidique, jusqu’aux conversations des enquêteurs, en passant par le nombre de cartouches tirées par d’intrépides « baqueux » du Val-de-Marne.

Son récit minuté ne se borne pas à la description des opérations, à l’hagiographie de policiers dans la tourmente d’attentats à l’ampleur sans précédent. Sans céder au pathos ou à l’hyperbole, il lève aussi un coin du voile sur les coulisses du 13-Novembre, depuis les terrasses de La Belle Equipe, du Carillon ou du Petit Cambodge, ces restaurants parisiens où les terroristes ont semé la mort, jusqu’à un camp de réfugiés près de Salzbourg, en Autriche, en passant par la Syrie ou les locaux des services secrets français.

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Ce travail de mise à plat heure par heure, parfois minute après minute, n’était accessible qu’à un familier de ce dossier judiciaire tentaculaire qu’en reporter avisé Matthieu Suc a doublé par des entretiens avec les protagonistes de l’affaire, policiers mais aussi pompiers ou magistrats. L’un d’eux s’est retrouvé projeté sous les feux de l’actualité au mois de décembre 2023, lors de sa prise de commandement du RAID (recherche, assistance, intervention, dissuasion) lorsque le grand public a découvert son visage : le commissaire Guillaume Cardy, qui, accompagné de son chauffeur, a fait irruption l’arme au poing dans la salle du Bataclan, ce fameux vendredi 13, pour neutraliser un terroriste.

De l’horreur à l’héroïsme

L’auteur n’oublie pas pour autant les ratés, les indécisions, et consacre de longues pages à l’intervention désastreuse du RAID à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 18 novembre 2015, pour tenter de capturer Abdelhamid Abaaoud, considéré comme le chef opérationnel des attentats. Les conditions de l’opération ont vu l’unité d’élite de la police provoquer un déluge de feu et de plomb sans parvenir à prendre vivant le terroriste belge.

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Après avoir envisagé de tourner la page des affaires de terrorisme, Matthieu Suc s’est finalement « convaincu de la nécessité de reconstituer cette tuerie de masse (…) pour répéter encore et encore son horreur, sa sauvagerie, sa bêtise ». Et dire, aussi, l’héroïsme, l’abnégation, le traumatisme vécu par les femmes et les hommes qui en furent les acteurs. Difficile de ne pas comprendre, une fois le livre refermé, qu’ils vivront encore longtemps le souvenir de cette tragédie dans leur chair et dans leur âme.

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