vendredi, mai 17
Une tumeur, amas de cellules anormales, provoquée par une perturbation épigénétique. L’ADN, coloré en bleu, n’est pas différent de celui d’une cellule saine.

Ce pourrait être la pièce manquante d’une théorie vieille de trente ans. Depuis la fin des années 1990 et la révolution de la génétique, l’origine des cancers était communément admise : l’accumulation de mutations dans l’ADN entraîne le dérèglement de certains gènes-clés et les cellules détraquées se mettent à proliférer jusqu’à former un amas de cellules anormales : une tumeur. Or cette théorie ne semble pas s’appliquer à certains cas. « Il y a eu quelques doutes, notamment dans la dernière décennie, puisque, dans certains cancers, on n’a pas vraiment trouvé de mutation », explique Giacomo Cavalli, directeur de recherche CNRS à l’Institut de génétique humaine, à Montpellier.

Mais comment un cancer peut-il survenir sans mutation dans l’ADN ? L’épigénétique pourrait bien être la réponse. Un terme qui peut paraître barbare. L’épigénétique est l’étude des mécanismes qui font qu’une même séquence d’ADN peut s’exprimer ou non, selon le contexte. Cela permet notamment d’expliquer pourquoi le corps humain est composé de cellules très différentes (neurones, cellules musculaires…) qui sont pourtant dotées d’un génome identique.

Plusieurs études précédentes avaient souligné le rôle important de l’épigénétique dans le cancer. « Mais l’épigénétique intervenait toujours secondairement : d’abord, il y avait des mutations, et ces mutations entraînaient des dérégulations épigénétiques qui contribuaient à la prolifération des cellules cancéreuses », précise Giacomo Cavalli. Il n’en fallait pas plus, pour ce chercheur montpelliérain et son équipe, pour essayer de prouver qu’il était possible de provoquer un cancer simplement en entraînant un dérèglement transitoire de certains gènes.

Expériences sur les mouches du vinaigre

« On a montré que l’on peut obtenir un cancer sans qu’il y ait de mutations d’ADN », résume-t-il aujourd’hui. Leur démonstration de force leur a valu une publication dans la revue britannique Nature, mercredi 24 avril.

Comment ont-ils fait ? Ils ont inactivé le gène Polycomb pendant vingt-quatre heures seulement grâce à une technologie biomoléculaire. Or ce gène prévenait du cancer, notamment en empêchant les cellules de proliférer. Et quand, après vingt-quatre heures, le gène est revenu à son niveau d’expression normal, il était déjà trop tard. La cellule avait commencé à dérailler, se multipliant de manière incontrôlable, formant un amas de cellules. Une tumeur s’était formée.

Une tumeur… dans l’œil de la drosophile. En effet, les chercheurs ont mené leurs expériences sur les mouches du vinaigre, très utilisées en cancérologie. Et à juste titre : si différentes des humains qu’elles puissent paraître, elles ont en commun de nombreux gènes-clés dans le développement des cancers. De plus, elles sont faciles d’utilisation et coûtent peu cher à maintenir, ce qui en fait un organisme modèle prisé pour étudier les cancers.

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