jeudi, mai 9

La menace israélienne plane plus que jamais sur Rafah, la dernière ville de Gaza à avoir échappé aux massacres et aux destructions massives entraînés par l’offensive militaire en cours. En revanche, une autre cible, politique cette fois-ci, semble en passe d’échapper au gouvernement de Benyamin Nétanyahou. En annonçant le 26 avril, avec d’autres pays, la reprise de son aide à l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens, l’UNRWA, l’Allemagne, qui compte parmi ses principaux contributeurs, vient de témoigner que cette dernière n’avait pas perdu sa confiance.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’UNRWA retrouve le soutien d’une partie de ses donateurs après la publication du rapport Colonna

Le 26 janvier, l’agence onusienne avait annoncé que 12 de ses 13 000 employés palestiniens à Gaza étaient accusés par Israël d’avoir participé aux massacres de civils israéliens perpétrés le 7 octobre 2023, lors de l’assaut des miliciens du Hamas à l’origine de la guerre. La nouvelle, fondée alors uniquement sur des allégations, avait entraîné immédiatement une cascade de désistements parmi les donateurs internationaux, à commencer par les Etats-Unis, la France s’en tenant à une plus grande prudence. Comme si d’éventuels errements individuels devaient condamner une agence tout entière, dont les finances ont toujours été fragiles.

Benyamin Nétanyahou s’était engouffré dans la brèche pour accuser l’UNRWA d’être « totalement infiltrée par le Hamas » et pour demander sa suppression. Fidèle à une stratégie éprouvée de faits accomplis, le premier ministre voyait là l’opportunité d’une nouvelle attaque contre une institution créée en décembre 1949 après la première des guerres israélo-arabes, qui avait entraîné l’exode de dizaines de milliers de Palestiniens chassés des territoires conquis par l’Etat hébreu.

Politique de la terre brûlée

Israël a toujours considéré que celle-ci entretient artificiellement l’un des principaux contentieux du conflit qui l’oppose aux Palestiniens : le sort des réfugiés des guerres israélo-arabes de 1948-1949 et de 1967, dont le nombre s’élève aujourd’hui à plusieurs millions. La question de leur indemnisation, ou pour certains de leur retour, a été au cœur de toutes les négociations restées infructueuses.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A l’ONU, les pays arabes se mobilisent pour l’UNRWA et l’adhésion de la Palestine

Le 22 avril, un rapport publié par un groupe d’experts indépendants, présidé par l’ancienne ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna, a cependant balayé une bonne partie des accusations israéliennes. Tout en reconnaissant des problèmes de « neutralité politique », ce rapport a constaté que l’UNRWA « dispose de plus de mécanismes pour assurer » cette neutralité « que ce que possèdent les autres agences onusiennes ».

Il a également noté qu’Israël n’avait toujours pas fourni les preuves de ses accusations, ce qui montre que les désistements internationaux ont été pour le moins précipités. Le rapport a estimé en outre que l’UNRWA reste « irremplaçable et indispensable », sans convaincre pour autant les Etats-Unis, qui ont gelé leur contribution jusqu’en 2025 alors qu’ils viennent d’accorder, en revanche, une nouvelle aide militaire massive à l’Etat hébreu.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le rapport Colonna juge l’UNRWA, l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens, « irremplaçable » et perfectible

L’assaut contre cette agence, à l’heure où Gaza est aux prises, et pour longtemps, avec une crise humanitaire, voire existentielle, multidimensionnelle, relève d’une irresponsable politique de la terre brûlée. Il existe une bien meilleure façon de répondre aux interrogations et critiques sur le statut de l’UNRWA : tout mettre en œuvre, enfin, pour qu’une perspective politique remplace l’horizon aujourd’hui obscurci par la guerre.

Le Monde

Réutiliser ce contenu
Partager
Exit mobile version