dimanche, avril 28

Il ne cesse d’y repenser et de se dire que son épouse savait qu’elle allait se suicider. « C’était prémédité. Elle a tout fait pour être seule », soupire Jérôme Pader dans son joli corps de ferme en brique à Bourlon (Pas-de-Calais), ­village du bocage cambrésien au sud de Lille. En juillet 2023, Delphine, son épouse, les presse subitement, lui et leur fils Jarod, 19 ans, de partir profiter de vacances à Agde, dans l’Hérault. Quelques jours plus tard, le 31 juillet, alors que personne n’arrive à joindre Delphine, la mère de cette dernière décide de se rendre à Bourlon. Elle entre dans la maison par la porte de derrière et découvre le corps inanimé de sa fille sur le lit de la chambre conjugale.

Delphine Pader, 49 ans, s’est donné la mort en ingérant des médicaments. Sur le grand bureau du salon, celle qui a été surveillante pénitentiaire pendant vingt ans a laissé plusieurs lettres manuscrites éparses. « Je suis à bout, je ne suis plus une mère, une femme, ni même une professionnelle, écrit-elle dans l’une d’elles. J’ai l’impression d’être considérée comme une criminelle, de ne plus exister. » Ces mots glacent encore Jérôme Pader, qui explique : « Pendant près de quatre ans, Delphine a été clouée au pilori par sa propre administration, qui considérait qu’elle avait basculé du côté d’un détenu. »

Du RDX : dans la langue des artificiers, ce sigle désigne un explosif dont la déflagration peut tout détruire dans un rayon de 5 mètres. Une substance d’ordinaire manipulée sur les terrains de guerre. En 2019, Delphine Pader a été accusée d’avoir introduit cette poudre à l’intérieur de la maison d’arrêt de Douai afin d’aider un détenu à s’évader. Malgré ses dénégations, la surveillante a été mise en examen et suspendue, puis s’est battue con­tre ces décisions, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus.

Amer rebondissement

Le 8 septembre 2023, amer rebondissement : le parquet de Lille a requis un non-lieu en sa faveur. « Tout ça pour ça, se désole son avocat, Me Damien Legrand. Si la justice n’avait pas été aussi lente, ma cliente ne se serait certainement pas tuée. Ce dossier ne ressemble à aucun autre. » Ce drame raconte, certes, le temps de la justice qui n’est pas celui des accusés, mais aussi un métier très particulier, dont Delphine Pader était si fière, celui de surveillant de prison, avec sa vie en vase clos, ses codes et ses secrets.

Tout a commencé par un rendez-vous, le 26 octobre 2018, à la prison de Douai, selon ce que Delphine Pader a expliqué aux policiers. La surveillante en cheffe du ­bâtiment B, aile des profils les plus sensibles, retrouve ce jour-là le détenu Murat G., numéro d’écrou 45562, derrière la porte d’un local exigu où sont entreposés des produits ménagers.

Il vous reste 85.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version