dimanche, avril 28

Dimanche 11 février, à Mayotte, face à la pression continue de l’immigration et la colère des habitants, le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a annoncé des mesures « extrêmement fortes », dont la plus « radicale » est une révision constitutionnelle visant à supprimer le droit du sol dans le 101e département français.

Depuis la loi asile et immigration de 2018, la législation impose déjà aux parents étrangers un minimum d’un an de résidence en situation régulière sur le sol français pour que leur enfant, s’il naît à Mayotte, puisse prétendre à la nationalité française. Gérald Darmanin entend aller plus loin encore : le fait de naître à Mayotte ne permettrait plus aux enfants de parents étrangers d’acquérir la nationalité française. Leurs parents ne pourraient alors plus recevoir de titres de séjour « vie privée et familiale », attribués aux parents de mineurs français résidant en France. Selon le ministre de l’intérieur, cette mesure vise à « coupe[r] l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel » et « diminuer de 90 % le nombre de titres de séjour ».

Ces annonces ont convaincu à droite et à l’extrême droite. « Je me réjouis que le gouvernement et l’Etat aient enfin compris qu’il s’agissait d’une mesure nécessaire à la survie de Mayotte », a applaudi le député Les Républicains (LR) de l’île, Mansour Kamardine, sur Franceinfo. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, et la tête de liste Reconquête aux élections européennes, Marion Maréchal, ont aussi affiché leur satisfaction, tout en souhaitant que le projet de suppression du droit du sol soit étendu à l’ensemble du territoire français.

Lire le décryptage : Mayotte, le département français des exceptions légales

A Mayotte, une pression migratoire en hausse constante

L’annonce de Gérald Darmanin s’appuie sur le fait que la population à Mayotte connaît une forte croissance, relative à l’arrivée de nombreux migrants notamment.

Les flux d’immigration sont difficiles à mesurer, parce qu’ils concernent en partie des immigrés clandestins, qui ne sont pas enregistrés par les autorités. Mais sur la seule partie légale, les chiffres ont bondi au cours des dernières années.

Ainsi, en dix ans, le nombre de demandes d’asile déposées à Mayotte a plus que quadruplé, pour atteindre 4 000 par an.

Dans le même temps, le nombre de titres de séjour est passé de 15 000 à 35 000. La plupart sont attribués à des Comoriens, dont le pays d’origine présentait en 2017 un PIB par habitant 8,5 fois inférieur à celui de Mayotte, selon un rapport du Sénat (6 fois inférieur en 2021, selon les données de l’Insee et de la banque mondiale).

L’attrait pour la nationalité française, un « fantasme »

Malgré ce que peut dire Jordan Bardella sur le fait que « les Comores envoient des femmes accoucher à Mayotte », les chiffres issus d’une note de 2023 de l’Agence régionale de santé de Mayotte sont formels : seulement 11 % des Mahoraises arrivent dans ce département français pendant leur grossesse, et ce n’est pas forcément la perspective de donner la nationalité française à leur enfant qui les motive.

« Ce sont des fantasmes de penser que les Comoriennes s’imaginent que c’est la voie royale pour devenir française, balaye Vittoria Logrippo, déléguée nationale de la Cimade pour la région océan Indien. Elles quittent les Comores pour venir accoucher à Mayotte puisque le système de santé dans leur pays est défaillant. » D’ailleurs, les demandes de naturalisation sont globalement stables depuis que Mayotte est devenue un département français, en 2011, et même en baisse depuis plusieurs années.

Un projet à l’efficacité et à la constitutionnalité douteuse

Rien n’indique que la fin du droit du sol ait un impact réel sur l’immigration. Aucune étude démographique ou sociologique, à l’heure actuelle, n’a permis de démontrer un impact dissuasif des durcissements législatifs sur les personnes exilées.

« C’est une imposture de faire croire que de priver les enfants d’avoir la nationalité va endiguer les flux migratoires, dénonce Vittoria Logrippo. Le facteur d’attractivité à Mayotte, c’est l’accès à un territoire au niveau de vie largement supérieur par rapport aux îles autour, bien que Mayotte soit très pauvre au regard du reste de la France. »

Le Monde

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Un constat partagé par Anthony Goreau-Ponceaud, maître de conférences en géographie à l’université de Bordeaux, qui fustige des annonces « totalement idéologiques » et un nouveau glissement « du discours de Macron vers la droite nationaliste ». D’après l’universitaire, spécialiste des réfugiés et des migrations forcées, « la crise essentielle à Mayotte n’est pas migratoire mais sociale, surtout pour les jeunes Mahorais qui connaissent des niveaux de déscolarisation, de chômage et de pauvreté particulièrement élevés ».

D’un point de vue juridique, la suppression du droit du sol dans un seul département, Mayotte, pourrait aller à l’encontre du principe d’unité et d’indivisibilité de la République, a rappelé, mercredi 14 février, le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius. Elle remettrait ainsi en question le statut actuel de l’île hippocampe, de laquelle les Comorres revendiquent toujours la souveraineté.

Lire l’analyse | Article réservé à nos abonnés Comment Mayotte est devenue le laboratoire idéologique de l’extrême droite

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