jeudi, mai 9
Image extraite du film d’animation, « Blue Giant », de Yuzuru Tachikawa.

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Dai Miyamoto a 18 ans. Lorsqu’il quitte la ville de Sendai, dans la région de Tohoku, pour s’installer à Tokyo, il n’a qu’une obsession : devenir un grand musicien de jazz. « Je serai le meilleur jazzman au monde », déclare-t-il en toute modestie. Depuis trois ans, il pratique à haute intensité le saxophone ténor. Hébergé par Shunji Tamada, un ami d’enfance devenu étudiant, il court les bars de jazz. Il rencontre un soir un pianiste de son âge, surdoué et arrogant, Yukinori Sawabe. Avec l’aide de Tamada, qui se met à apprendre la batterie, il décide de former un groupe, saxophone-piano-batterie et de monter dans la hiérarchie jazzistique tokyoïte jusqu’à pouvoir donner un concert dans le grand club de la ville.

Adaptation d’un manga créé en 2013 par Shinichi Ishizuka et paru en France chez Glénat dès 2018, Blue Giant fonctionne sur un schéma fréquemment usité, celui de l’apprentissage artistique et de la quête de la gloire, une gloire obtenue après un cheminement fait de déconvenues, de déceptions, mais aussi de dépassement de soi.

Filmer le jazz a toujours été une gageure pour le cinéma. Comment éviter la vision simpliste d’un art longtemps pauvrement connoté par le cinéma, un art qui doit autant à la composition qu’à l’improvisation, un art, enfin, qui a souvent souffert d’avoir été associé à des clichés, notamment visuels, assez pauvres ? Sans doute grâce à une approche concrète, ancrée dans les déterminations sociales précises, avec une conscience aiguë, teintée de mélancolie. « Très peu de gens écoutent du jazz », constate, en effet, l’un des personnages. Sans doute aussi grâce à la capacité d’abstraction et d’invention plastique que permettent les techniques d’animation utilisées, fussent-elles mises, majoritairement, au service d’une narration classique et d’une vision essentiellement, mais pas seulement, figurative et réaliste.

Invention plastique

Certains détails du film semblent nourris d’éléments historiques. Ainsi, en suivant Miyamoto, ses interrogations et son entraînement solitaire, on pense parfois à l’histoire de Sonny Rollins cherchant l’inspiration en jouant seul, des heures entières, sous le pont de Williamsburg à New York, à la fin des années 1950. Le parcours des trois protagonistes est ponctué de situations dramatiques classiques, quoique assez prenantes (échecs, accidents, etc.), nourrissant un suspense attendu. Il se distingue surtout par la précision avec laquelle sont abordés les enjeux principaux du jazz : former un groupe dont il faut assurer une cohésion toute particulière durant l’exécution de la musique, dépasser l’écart des niveaux entre solistes, trouver la rythmique adéquate permettant de tenir l’ensemble d’un morceau, conjuguer solidarité et virtuosité.

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