lundi, mai 20
Hayes Campbell (Nicholas Galitzine) et Solène Marchand (Anne Hathaway) dans « L’Idée d’être avec toi », de Michael Showalter.

PRIME VIDEO – À LA DEMANDE – FILM

Attendue depuis longtemps sur la plate-forme d’Amazon, Prime Video, l’adaptation du roman de Robinne Lee, L’Idée d’être avec toi (St. Martin’s Press, 2017), une fanfiction inspirée par le chanteur Harry Styles, semblait promettre le retour en force d’un genre passé de mode : la comédie romantique, égarée quelque part entre la pyrotechnie numérique, le mouvement #metoo et le tribunal des réseaux sociaux. Difficile, en 2024, de raconter une histoire d’amour en espérant contenter tout le monde. Ajoutons à cela que la grande mode du récit d’empowerment, où une femme s’émancipe loin des hommes, n’autorise pas vraiment les fictions hollywoodiennes à se conclure par un baiser ou une bague au doigt.

Le romantisme : cet artefact hollywoodien voué à se réinventer, ou à disparaître. C’est ce qui, au premier abord, constitue le charme suranné de L’Idée d’être avec toi : adapté d’un best-seller, le film ne s’excuse jamais de dispenser ses tonnes de sucre à un public en manque… tout en promettant une refonte « woke » de sa romance. Solène Marchand (Anne Hathaway), 40 ans, est mère divorcée et directrice d’une galerie d’art à Los Angeles.

A la suite d’un empêchement de son ex-mari, la voilà obligée de conduire sa fille de 15 ans au festival Coachella, où doit se produire August Moon, un célèbre boys band pour midinettes que l’adolescente n’écoute même plus. Egarée en pleine zone VIP, Solène finit par se retrouver nez à nez avec Hayes Campbell (Nicholas Galitzine), 24 ans, le très sexy chanteur du groupe. C’est le coup de foudre au premier regard, et les amants devront affronter une montagne d’obstacles : l’écart d’âge, la célébrité, les réseaux sociaux et les torrents d’insultes.

Décors et corps sans épaisseur

L’ancestrale histoire de prince charmant est passée à la moulinette du féminisme, puisque ce n’est plus l’homme qui s’acoquine avec plus jeune que lui, mais bien une femme. Un renversement fort, a priori, pour une industrie qui n’a pas vraiment évolué sur la question du double standard du vieillissement, mais qui est ici traité du bout des doigts : le film tente de faire passer la pimpante Anne Hathaway, 41 ans, pour la cougar qu’elle n’est pas – l’actrice semble ne pas avoir vieilli d’un jour depuis son rôle dans Le diable s’habille en Prada (2006).
Faisant fi du qu’en-dira-t-on, Solène se laisse enivrer par sa nouvelle vie et suit son homme en tournée à travers l’Europe : jet privé, grands restaurants, hôtels de luxe, l’amour y est réduit à une pure surface touristique.

Comme les décors, les corps sont à leur tour sans épaisseur. Le sexe, lui, est filmé à travers un coulis d’ombres et de pudeur, et aucune différence ne se laisse apercevoir entre les corps des deux acteurs : tous deux sont sveltes, jeunes, sans défauts. Il serait d’ailleurs difficile d’apercevoir une quelconque révolution des représentations sous cet épais glacis acidulé qui fait ressembler le film tantôt à un clip, tantôt à une publicité pour la Saint-Valentin.

L’Idée d’être avec toi délaisse assez vite la question de l’âgisme pour renouer avec son modèle canonique, le magnifique Coup de foudre à Notting Hill (Roger Michell, 1999). Mais ce qui sépare les deux films, c’est que l’un donne à voir un monde strictement adulte, tandis que L’Idée d’être avec toi, dans le sillage de la saga de Cinquante nuances de Grey, tire la « rom-com » vers la régression infantile à destination d’un public féminin que l’on imagine en mal de sensations fortes. Après Madame Bovary qui joue avec un fouet et des menottes, voici Bovary au pays des boys bands.

Film de Michael Showalter. Avec Anne Hathaway, Nicholas Galitzine, Ella Rubin (EU, 2024, 117 min). Disponible à la demande sur Prime Video.

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