mercredi, mai 1
Carl Hanratty (Tom Hanks) et Frank Abagnale (Leonardo DiCaprio), dans « Arrête-moi si tu peux », de Steven Spielberg.

W9 – JEUDI 7 MARS À 21 H 00 – FILM

Dans un de ces couloirs tubulaires qui relient les halls d’aéroport aux terminaux, un homme s’avance face à la caméra. Vêtu d’un uniforme de commandant de bord, il est d’une élégance frappante. Derrière lui, quelqu’un parle sans cesse. Dans un costume sombre mal coupé, l’ombre fait la leçon à l’aviateur, pour l’empêcher de monter dans l’avion, pour lui couper les ailes.

Dans cette comédie policière, Steven Spielberg distille l’essence de la relation qui unit les deux protagonistes du film, Frank Abagnale (Leonardo DiCaprio) et l’agent spécial Carl Hanratty (Tom Hanks) : le premier tient le devant de l’écran, mais sa domination relève de l’illusion, éblouissante et vulnérable. Vulnérable à la loi, à la norme qu’incarne la silhouette de Tom Hanks, dont la parole se transforme non pas en mirages, mais en faits.

Arrête-moi si tu peux poursuit, entre ivresse de la vitesse et nostalgie violente, cette exploration des coins et recoins de la famille américaine qui marque la plupart des films de Spielberg depuis Sugarland Express (1974). Chaque plan est irrigué d’un plaisir enfantin à ressusciter l’esthétique des années 1960. Tom Hanks puise jusqu’au fond de son réservoir de banalité. Le beau visage de Leonardo DiCaprio semble dessiné pour les mensonges les plus convaincants. Inspirée de l’autobiographie de l’escroc Frank Abagnale, cette histoire d’un très jeune garçon qui devient un génie de l’escroquerie après la séparation de ses parents s’en éloigne assez.

Chèque sans provision

Frank est un enfant de la guerre, littéralement. Son père (Christopher Walken) a ramené Paula (Nathalie Baye) de France. On est à l’orée des années 1960, au moment où le rêve américain s’épanouit pour tous. Pas pour les Abagnale. Frank senior est pris à un double piège : papetier, il voudrait tenir son rang de notable dans sa petite ville du New Jersey. Père de famille, il voudrait être à la hauteur des fantasmes qu’impose à un mâle américain la seule idée d’avoir épousé une Française. Mais la papeterie se chiffonne sous la pression du fisc, et la Française est aussi volage que le veut sa réputation.

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Frank Jr prend la fuite dans la fiction. Après quelques tâtonnements, il trouve son instrument de prédilection, le chèque sans provision, et son modus operandi, l’imposture professionnelle. Pour se transformer en pilote de ligne, en médecin, en avocat, il dispose d’une arme d’une suprême efficacité, la télévision.

Il lui suffit de regarder un épisode de Dr Kildare pour savoir comment se comporter au bloc opératoire. Pour l’emporter devant un prétoire, il suit les traces de Perry Mason, tel que l’incarnait sur un tout petit écran grisâtre Raymond Burr. Nourris de cette fiction sans beaucoup de goût ni de substance, et qui pourtant a laissé une empreinte indélébile sur les rétines d’une génération, Frank Abagnale et Steven Spielberg s’amusent comme des fous.

Arrête-moi si tu peux, de Steven Spielberg. Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hanks, Christopher Walken, Nathalie Baye, Martin Sheen (EU, 2002, 141 min).

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