mardi, mai 21
Défilé de rue lors du festival Les Plus Belles de Mai, devant le bar Marius, dans le quartier de la Belle-de-Mai, à Marseille, le 13 avril 2024.

Elles sont huit, alignées épaule contre épaule, têtes hautes et regards fiers. Les femmes du collectif Mira, toutes habitantes du quartier de la Belle-de-Mai dans le 3e arrondissement de Marseille, scandent, à tour de rôle, « Je suis F », un texte écrit par l’une d’elles. En quelques minutes à peine, ces femmes de tous âges et de toutes origines se passent le micro pour se décharger des mêmes mots, qu’elles lisent sur leur smartphone. En français, en arabe, en kabyle, en russe, en allemand, en espagnol, la litanie se répète. Oscillant entre l’urgence de dire et l’euphorie joyeuse d’avoir le courage de le faire, là sur une place publique. « Je suis Fidélité, je suis Fertilité, je suis Fragilité, je suis Force, je suis Futur (…). Je suis Femme. »

Depuis trois semaines, ce rituel puissant secoue chaque samedi, en début de soirée, les habitudes de la Belle-de-Mai, un quartier populaire et cosmopolite situé en bordure du centre-ville, l’un des plus pauvres de Marseille. Un court moment d’expression en forme de coup de poing, qui dit tout de l’intention politique de la première édition du festival Les Plus Belles de Mai. « Contribuer à redonner aux femmes leur place dans un espace public trusté par les hommes et où elles ne se sentent pas légitimes », résume Christine Bouvier, directrice artistique de l’association RedPlexus, spécialisée dans les performances urbaines, et programmatrice de l’événement.

Volontairement nomade, le festival s’installe tous les week-ends, du 13 avril au 4 mai, sur la terrasse d’un bar différent, à cheval sur la voie. Quatre étapes où se mêlent propositions gratuites de danse, concerts, projections, expositions mais aussi apéros et repas conviviaux… Et, en fil rouge, cette performance amateur des femmes du collectif Mira.

« Etre acceptées ici, sans être jugées »

Ce samedi 27 avril, où la tempête souffle, la scène est installée en plein cœur du quartier, place Caffo. Après le bar Marius et le restaurant cap-verdien Les Délices de Praia, c’est le Café du Théâtre, tenu depuis treize ans par Ghalia Ferrat, tonique quinquagénaire d’origine kabyle, qui accueille artistes et spectateurs. « On s’est aperçu que si leur clientèle était presque exclusivement masculine, certains bars étaient tenus par des femmes. On a décidé de les solliciter pour le festival », s’étonne Christine Bouvier. Au fond de la salle, un groupe d’hommes, attablé devant un stock de bières plongées dans des glaçons, observe silencieusement cette invasion de leur territoire.

D’autres habitués, tout sourire, abordent les femmes du collectif pour les remercier de leur présence. « Vous ne savez pas le changement que c’est d’être acceptées ici, sans être jugées », exulte, quelques minutes après sa performance dans une moulante robe noire, Dalida Zouachi, 50 ans, dont la moitié passée à la Belle-de-Mai, une des locomotives du collectif Mira. « En faisant cela, on donne le courage à d’autres femmes qui hésitent encore à se montrer », assure son amie Zelikha Eldjou, autrice de Je suis F.

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