jeudi, mai 9

On évoque souvent la « fuite des cerveaux » dont souffrent les sciences exactes, en déplorant à chaque prix Nobel que le Français primé exerce à l’étranger, là où les conditions matérielles sont plus favorables. Mais le désintérêt que réserve la France aux détenteurs du plus haut grade universitaire est plus profond, touche l’ensemble des domaines scientifiques, et n’est pas seulement financier.

Si outre-Rhin la valeur et l’expertise conférées par le doctorat ne sont pas discutées et permettent à ses détenteurs d’accéder aux plus hautes fonctions des sphères privée ou publique (Olaf Scholz et Angela Merkel [Le chancelier allemand et sa prédécesseure] sont tous deux docteurs), la France peine à insérer professionnellement ses docteurs. Les qualités et l’expérience professionnelle développées par le parcours doctoral sont souvent mal comprises par les recruteurs, mais également par une haute administration constituée d’anciens élèves de grandes écoles.

Il faut tout de même reconnaître que, sous la présidence Hollande, la France a tenté de relever le prestige attaché au grade de docteur. Ainsi, en 2013, la loi Fioraso a reconnu la faculté de faire usage du titre de docteur en toutes circonstances professionnelles. Cet usage a été étendu à la sphère privée en 2020, comme cela se pratique en Allemagne par exemple.

Elle a aussi rappelé la primauté du « grade » de docteur sur le « titre » de docteur, dont peuvent se prévaloir certaines professions de santé sans avoir effectué de recherche scientifique. La même loi a enfin enjoint aux administrations de prendre en compte le parcours doctoral comme une expérience professionnelle lors de l’intégration à un corps de fonctionnaire, mais également de proposer une voie spéciale aux docteurs souhaitant se présenter à un concours de catégorie A.

Voie d’accès direct supprimée

Dix ans après, l’effectivité de ce dispositif interroge, tant les modalités pratiques de sa mise en place sont fluctuantes. La communauté des docteurs en est même venue à se demander si les pouvoirs publics n’exprimaient pas désormais un sentiment de défiance à l’encontre du diplôme de doctorat lorsqu’il fut exigé, par un décret d’août 2022, que les impétrants se soumettent à un « serment d’intégrité scientifique » à l’issue de leur soutenance. Nombre de docteurs ont perçu la mise en place de ce serment comme une remise en cause de leur éthique professionnelle, ou se sont sentis tenus collectivement responsables d’actes isolés de certains collègues lors de la période du Covid-19.

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