lundi, mai 6

Il reste peu de temps pour éviter que Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, se transforme en enfer. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui fait de la guerre en cours le moyen de s’accrocher au pouvoir, a juré que la ville qui jouxte une frontière fermée à double tour avec l’Egypte, et où se pressent plus d’un million de Palestiniens chassés du reste de l’étroite bande de terre par les combats, serait soumise aux mêmes dévastations que celles qui ont déjà fait de ce territoire pauvre et surpeuplé un vaste champ de ruines.

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Il n’a que faire de l’effroyable bilan humain (près de 30 000 morts) du rouleau compresseur israélien actionné pour tenter d’oblitérer le Hamas, responsable des massacres du 7 octobre 2023 contre des civils israéliens. Cet objectif a pris le dessus sur celui de la libération des otages israéliens retenus dans Gaza. L’alternative pour y parvenir, la négociation qui a montré son efficacité lors des libérations de novembre 2023, est au point mort.

Les alliés de l’Etat hébreu ont déjà fait part de leur opposition à la prolongation du carnage engagé depuis bientôt quatre mois dans un terrible huis clos, mais avec une pusillanimité qui risque de compromettre pour longtemps le crédit moral qu’ils revendiquent. On est bien en peine de trouver la moindre cohérence à Washington, qui déplore le nombre excessif de victimes parmi les civils palestiniens pris au piège dans l’étroite bande de terre, tout en assurant sans la moindre réserve que les militaires israéliens disposent des moyens nécessaires pour pilonner Gaza jusqu’à l’écœurement.

Tragique dérive israélienne

Plus les jours passent et plus le calcul du président Joe Biden, laisser faire Israël pour ensuite amorcer une initiative diplomatique d’ampleur, se perd dans les décombres. Tout d’abord parce que la destruction du Hamas, après quatre mois d’une campagne sans précédent par sa violence, reste impossible à mesurer compte tenu de la nature du mouvement, même s’il est sérieusement affaibli militairement à Gaza.

Ensuite parce que la stratégie israélienne d’entrave à l’aide humanitaire, dans un territoire où le système de santé, pour ne parler que de lui, est en passe d’être entièrement détruit, préfigure le cauchemar que sera la reconstruction, lorsque les combats finiront par s’achever. Enfin parce que l’opposition à la moindre perspective politique, et évidemment celle de la création d’un Etat palestinien, constitue le fondement de la coalition israélienne au pouvoir et la garantie d’une stratégie d’aveuglement invalidée par le 7 octobre.

La guerre plus sourde qui se livre parallèlement en Cisjordanie le rappelle chaque jour. Les quelques sanctions prononcées aux Etats-Unis ou en Europe contre des colons israéliens coupables d’exactions ne peuvent faire illusion, alors que leurs inspirateurs suprémacistes, qui nourrissent des projets d’annexion et de nettoyage ethnique, siègent au gouvernement israélien.

C’est en cela que Rafah peut devenir le double symbole d’une faillite occidentale et d’une tragique dérive israélienne. Les semaines de cendres et de désolation écoulées rappellent cette évidence : la véritable mise à l’écart du Hamas, qu’on ne peut qu’appeler de ses vœux, ne pourra être obtenue qu’en traçant un horizon politique. Egaré par sa surpuissance militaire, l’Etat hébreu se contente de répondre aux crimes de guerre du 7 octobre par d’autres crimes de guerre dont on ne voit pas la fin.

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Le Monde

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