dimanche, mai 19
L’opposant Péter Magyar, lors d’un rassemblement anti-Orban à Debrecen, en Hongrie, le 5 mai 2024.

Acteur en vue en Hongrie, Ervin Nagy a délaissé les planches et les studios de tournage pour défiler dans la rue. Comme des milliers d’autres personnes, il est saisi par la fièvre Magyar, du nom de ce dissident qui défie Viktor Orban. Dimanche 5 mai, il a participé à un grand rassemblement dans la ville de Debrecen (dans l’est du pays), bastion du Fidesz, le parti du premier ministre nationaliste, à un mois des élections européennes.

Devant des dizaines de milliers de personnes appelant à « chasser Orban » du pouvoir, Péter Magyar, ex-haut fonctionnaire entré en rébellion, a salué « ce printemps hongrois, et le vent du changement que personne ne peut stopper ».

Depuis son irruption en février sur la scène politique, il a attiré à ses côtés plusieurs célébrités dans son combat. Parmi eux, Ervin Nagy veut croire au « renouveau » du pays d’Europe centrale et ne manque aucune manifestation. Il a même mis à disposition son camion à plateau d’où le tribun s’est adressé à la foule un soir, de manière spontanée.

« Nous n’avions pas le temps de trouver un podium », raconte le comédien de 47 ans. « Il flottait comme un air de la révolution de 1956 », s’enflamme-t-il, en allusion au soulèvement de la Hongrie contre la mainmise soviétique. « Le temps est venu d’un changement de régime », renchérit dans la foule Krisztian Kovacs, un comptable de 29 ans venu spécialement de la capitale, Budapest.

Un défi pour Viktor Orban

Jamais, depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie n’avait connu pareil mouvement de contestation, de l’avis des experts, qui évoquent un défi sans précédent pour le dirigeant. Après le scandale provoqué par la grâce accordée à un homme condamné dans une affaire de pédocriminalité, Péter Magyar a su capitaliser sur la colère des Hongrois. « Apathiques et frustrés » par un pouvoir indéboulonnable, « ils ont été soudainement galvanisés par l’arrivée de cette figure sensée et téméraire », lance Ervin Nagy.

En trois mois à peine, il a évincé les partis d’opposition existants, avec son discours conservateur pourfendant la corruption qui ruine à ses yeux le pays. Son mouvement, Tisza (Respect et liberté), qui se veut « ni à gauche ni à droite », est désormais crédité de 25 % d’intentions de vote auprès des électeurs sûrs de leur choix, selon un récent sondage réalisé par l’institut Median auprès de 1 000 personnes en vue du scrutin européen du 9 juin.

Sa force, pour ses partisans : connaître le système de l’intérieur. Longtemps diplomate à Bruxelles, le charismatique avocat de 43 ans a aussi partagé pendant des années la vie de Judit Varga, ancienne ministre de la justice, avec laquelle il a eu trois enfants.

Si Viktor Orban balaie l’arrivée de ce concurrent d’un revers de la main, son parti « se démène pour tuer dans l’œuf » cette vague de contestation, décrypte l’analyste Zoltan Lakner. Des affiches le taxant de « serviteur de Bruxelles » ont fleuri dans le pays, tandis que les journaux progouvernementaux ont publié des dizaines d’articles pour salir sa réputation, d’accusations de violences conjugales – qu’il nie fermement – à des remarques sur ses « lunettes de soleil de femme ».

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L’opposition fragmentée, un obstacle à surmonter

Une nouvelle autorité de surveillance, créée pour prévenir « les interférences étrangères » dans le processus électoral, a également lancé une enquête à son encontre. « Si [Péter] Magyar parvient à unir les électeurs de l’opposition », aujourd’hui fragmentée en plusieurs partis sans envergure, il pourrait alors présenter un réel danger pour le pouvoir, estime le politologue Zoltan Lakner. Même si d’autres jugent le mouvement incapable à ce stade de renverser le premier ministre, qui a progressivement mis au pas les contre-pouvoirs en quatorze ans.

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Sans se laisser abattre, Péter Magyar a entamé depuis plusieurs semaines une tournée en province afin d’y récolter des voix, son passage à Debrecen lui permettant de confirmer sa popularité. « Nous n’avons pas peur », scandait la foule, alors qu’Ervin Nagy affirme avoir été « placé sur une liste noire » pour avoir osé un jour critiquer un membre du Fidesz. La Hongrie est devenue « une sorte de mini-dictature », assène-t-il. « Ils ne vous battent pas à mort, mais, si vous vous élevez contre les autorités, il y aura des conséquences. »

Le Monde avec AFP

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