mardi, mai 7
Brigitte Fontaine, en mars 2022.

FRANCE 5 – VENDREDI 8 MARS À 23 H 45 – DOCUMENTAIRE

Documentaire ? Portrait ? Bien mieux : un kaléidoscope exact, inespéré, de Brigitte Fontaine, artiste totale (musique, écriture, art de vivre), au fil des ans. Six décennies de carrière scandée de chefs-d’œuvre (chansons), de succès (théâtre), d’inventions historiques (avec le très free-jazz Art Ensemble of Chicago), de contes merveilleux (livres). On la dit extravagante, déjantée, folle… Bien trop flou : Brigitte Fontaine est insoumise, marrante, grave. Telle qu’en elle-même l’éternité la changera.

Née à Morlaix, en 1939, fille d’instituteurs, enfance heureuse, elle monte à Paris pour jouer la comédie. Se révélant chanteuse, romancière, poète, libre. Quatre-vingt-quatre ans dont soixante et un de carrière, des hauts et des bas dont même les bas sont hauts. C’est devenu plus qu’insolent, le kaléidoscope d’une œuvre si vivante qui « passe à la télé »…

Brigitte Fontaine, réveiller les vivants passe sur France 5, le vendredi 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Pile-poil : on dit aussi Brigitte Fontaine (chanteuse, danseuse, poète, terrible, drôle, comédienne de sa propre vie) « féministe ». Manifs de filles joyeuses, Mai 68, mais aussi, au début, l’enterrement d’un enfant en Bretagne : les images d’époque ponctuent le kaléidoscope à point nommé. Idem avec les citations de chansons, toujours justes. Le montage de ce film est un modèle du genre.

« Je ne suis pas fémi-niste »

Fil conducteur : la longue interview en robe mauve, fume-cigarette, classe folle, de Brigitte Fontaine, tenue de princesse et coiffe de reine. Témoins de ces noces avec le siècle : Rufus, Areski (son percussionniste de mari), Etienne Daho, Matthieu Chedid, Arthur H., et Jacques Higelin (1940-2018), le céleste compagnon des délires parallèles. Compagnon subliminal, Jean-Claude Vannier, le plus méconnu des grands orchestrateurs.

Alors, féministe ? Elle : « Je ne suis pas fémi-niste. » Toujours inattendue, toujours au centre, elle, elle découpe les mots pour mieux les penser. « Je ne suis rien en “-iste”. » Long silence : « Si, je suis… artiste. » Tout de sa vie défile au rythme des mots, des chansons et des transmutations du visage, acceptées avec gloire.

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Titres éclatants au lettrage parfait. Surimpression en plein écran, rouges terribles, les minitextes soulignent, ici les paroles des chansons, là un épisode des luttes, ils annoncent, défont, au fil d’un truc qui, bizarrement, se révèle à son insu chronologique. L’un des réalisateurs, Benoît Mouchart, est aussi l’auteur d’une biographie (Brigitte Fontaine, Le Castor astral, 2020) aussi remarquable qu’un cinquante-deux minutes de télévision.

Le cinquante-deux minutes, à la télé, c’est fait pour passer. Brigitte Fontaine, réveiller les vivants ne passe pas, il reste. Il reste en tête. S’accroche et s’entête. Le cinquante-deux minutes est un format. Les trois auteurs (Benoît Mouchart, Yann Orhan et Aurélien Guégan) ne s’en formalisent pas. Ils le prennent comme une contrainte intéressante et s’en jouent avec grâce.

Lire aussi, sur « J’ai l’honneur d’être » (2013) : Article réservé à nos abonnés Brigitte Fontaine, fidèle à elle-même

Qu’est-ce qu’une femme libre ? Ce n’est pas une femme libérée, c’est une femme libre de toute éternité. Une femme qui a commencé libre et qui s’entête. Qui s’entête avec talent, génie, drôlerie, méchanceté, tendresse… Réveiller les vivants ? Cinquante-deux minutes de luxe avec une diva aux portes de la nuit. Le grand art.

Brigitte Fontaine, réveiller les vivants Documentaire réalisé par Benoît Mouchart, Yann Orhan et Aurélien Guégan (Fr., 2023, 52 min).

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