dimanche, mai 19
Image extraite du documentaire « Les Fantômes du Tonkin », de Patrick Jeudy.

FRANCE 3 – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

Dien Bien Phu, l’une des plus humiliantes défaites de la longue histoire de l’armée française. La sanglante bataille qui, du 13 mars au 7 mai 1954, entre vallées et collines étendues sur 16 kilomètres de long, coûta la vie à plus de trois mille soldats français et fit des milliers de blessés et disparus a été, à plusieurs reprises, traitée à l’écran.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés Des vétérans de la bataille de Dien Bien Phu témoignent

Mais ce documentaire signé Patrick Jeudy a le mérite d’évoquer Dien Bien Phu en optant pour un angle inhabituel : raconter, à travers le rapport du capitaine Paul Belmont conservé aux archives du service historique de la défense, la mission éprouvante menée en juin 1955, un an après les combats, sur les lieux du drame.

Paul Belmont, combattant à Dien Bien Phu en 1954, fait prisonnier puis nommé à la tête du bureau des sépultures à Saïgon, a été choisi par l’état-major pour mener à bien une mission complexe : retourner sur le terrain des combats pour identifier un maximum de dépouilles et ainsi permettre aux familles de faire leur deuil.

Recherches compliquées

Parmi les noms à identifier, on fait discrètement comprendre à Belmont qu’en priorité se trouve celui d’Alain Gambiez, sous-lieutenant tombé à 22 ans et fils du général Fernand Gambiez, personnage emblématique de l’armée française, grand spécialiste des commandos.

Après d’âpres négociations avec les autorités nord-vietnamiennes, Belmont s’envole de Saïgon, le 4 juin 1955, pour un périple qui le voit débarquer près de Dien Bien Phu en hélicoptère le 8 juin, à « un endroit que je ne pensais jamais revoir », dit-il. Il doit rester sur place une quinzaine de jours, sans émetteur radio ni appareil photo, mais avec un crayon, une carte du site et des photos aériennes. La mission est censée durer deux semaines.

Surveillé de près, logé dans une paillote, il voit se dessiner dans la nuit des silhouettes familières, celles des collines auxquelles les soldats français avaient donné des prénoms féminins : Dominique, Eliane, Gabrielle, Elise, Isabelle…

Le silence est total, les tranchées ont disparu sous la végétation, le sang a séché, les corps se sont décomposés, la nature a repris ses droits et, entre deux fortes averses, les recherches s’annoncent encore plus compliquées que prévu.

« Une sorte de ferveur lugubre »

Au fil des jours, Belmont, aidé de locaux, va fouiller de nombreux endroits stratégiques, souvent sans succès. Mais sa quête ne sera pas totalement vaine. Au bout de quatre jours, près du chantier baptisé « Eliane 3 », Paul Belmont identifie enfin un premier soldat, grâce à sa plaque. Il s’agit du parachutiste Maurice Millet, mort à 22 ans.

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Entre charniers, tombes aux inscriptions illisibles et terrains boueux, le capitaine croque-mort s’active dans un travail aussi épuisant physiquement qu’éprouvant moralement : « La mission se poursuit avec une sorte de ferveur lugubre », écrit-il après neuf jours de recherches.

A l’issue de sa mission, Paul Belmont identifiera finalement huit soldats. Parmi eux, Alain Gambiez, le fils du général. Lors de chaque découverte, la courte vie et le parcours du soldat en question sont mis en image, archives filmées et photographiques à l’appui, ce qui donne au documentaire une dimension émouvante. « En conclusion, de nombreux cimetières n’ont pu être prospectés », écrit Belmont. A ce jour, la plupart des dépouilles des soldats français tués lors de la bataille restent enfouies sous la ville moderne de Dien Bien Phu.

Les Fantômes du Tonkin, documentaire de Patrick Jeudy (Fr., 2024, 60 min). Diffusé sur France 3, lundi 6 mai à 22 h 40, et disponible en replay sur France.tv jusqu’au 4 décembre.

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