vendredi, mai 3
Adam (Andrew Scott), dans « Sans jamais nous connaître », d’Andrew Haigh.

En 2010, Sherlock Holmes trouvait sur sa route un nouvel avatar du professeur Moriarty, génie du mal. Dans la série Sherlock, le militaire paranoïaque de Conan Doyle s’était mué en un jeune homme séduisant et pervers, incarné par un acteur de 36 ans, habitué des scènes de théâtre londoniennes, et des seconds ou troisièmes rôles, Andrew Scott.

Le réalisateur Andrew Haigh se souvient de cette apparition : « Je me suis dit, voilà un acteur très intéressant. Quand il s’exprime, on voit les pensées se former sur son visage. » Ce visage aux traits fins, qui peuvent se faire aussi vulnérables que menaçants, est devenu familier : on a vu Andrew Scott en hot priest (prêtre sexy) dans la deuxième saison de Fleabag, en officier intègre dans 1917, de Sam Mendes, on le retrouvera bientôt en Tom Ripley, dans une série tirée des méfaits du personnage de Patricia Highsmith, déjà incarné par Alain Delon, Dennis Hopper, Matt Damon et John Malkovich.

En ce début décembre 2023, les deux Andrew, Scott et Haigh, sont à Londres, pour parler de Sans jamais nous connaître, film de fantômes, célébration du désir, méditation sur la permanence du souvenir et de l’amour, dans lequel Scott tient son premier grand premier rôle, celui d’Adam, un écrivain solitaire.

« Pour certains personnages, on n’a pas besoin d’ornementation, dit-il d’Adam. J’ai joué une pièce, Sea Wall, de Simon Stevens, et je me souviens avoir été convaincu que je voulais garder mon accent [Andrew Scott est né et a grandi à Dublin], mes habits. Pour ce film aussi, je voulais davantage révéler qui je suis que me transformer en quelqu’un d’autre. »

« Retomber en enfance »

Le scénario d’Andrew Haigh exige de son interprète principal qu’il se partage en une quête magique du passé qui lui permet de retrouver ses parents (Claire Foy et Jamie Bell) tels qu’ils étaient quand il avait 12 ans et une histoire d’amour violente et charnelle avec Harry, jeune homme dionysiaque (Paul Mescal).

« Il fallait que je retombe en enfance sans être enfantin, explique l’acteur. C’était physique. Non que ce soit une performance physique, mais je crois qu’un enfant avec ses parents est sensuel, tactile. C’est la ligne directrice de ce personnage. C’est quelqu’un que personne n’a touché depuis longtemps. Il veut retrouver sa place entre ses parents, dans leur lit. Nous avons d’abord tourné toutes ces séquences familiales, dans la maison où Andrew Haigh a grandi, ce qui m’a servi de fondation pour les scènes entre Adam et Harry. »

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Une base d’autant plus solide, explique le réalisateur : « Nous avons à peu près le même âge, moi 50 ans, lui 47, nous avons tous deux grandi dans les années 1980, nous sommes tous les deux gay. Nous savons tous deux ce qu’était l’existence à ce moment-là. » Haigh n’a pas fait mystère de sa volonté d’attribuer le rôle d’Adam à un acteur gay, une option que Scott approuve tout en la nuançant : « Dans l’idéal, tous les rôles devraient être ouverts à tous, mais le terrain de jeu est en pente. Par ailleurs, il faut toujours tenir compte de la spécificité de chaque projet. Pour celui-ci, il y avait d’autres acteurs gay, j’espère qu’Andrew m’a aussi choisi pour d’autres raisons que mon orientation sexuelle. »

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