vendredi, mai 17
Tracy Tzu (Ariane Koizumi) et Stanley White (Mickey Rourke) dans « L’Année du dragon » (1985), de Michael Cimino.

ARTE – JEUDI 2 MAI À 0 H 05 – FILM

Polar emblématique des années 1980, L’Année du dragon (1985), quatrième film de Michael Cimino (1939-2016) – et son dernier chef-d’œuvre –, marquait le retour du cinéaste derrière la caméra après quatre ans de mise au ban par Hollywood après le fiasco financier de La Porte du paradis (1980).

Adapté du roman éponyme de Robert Daley (Albin Michel, 1982), le film, dont le scénario original fut écrit avec Oliver Stone, met en scène la croisade d’un flic, le capitaine Stanley White (Mickey Rourke, intense et cabossé), muté dans le quartier de Chinatown, à New York, contre les triades, plus précisément contre Joey Tai (John Lone), le jeune affairiste aux dents longues qui en devient le chef.

Vétéran du Vietnam, White transfère la résolution de cette sale guerre dans les rues et frotte ses origines polonaises à une communauté chinoise qu’il juge refermée sur elle-même, répondant à d’autres lois que celles du drapeau pour lequel il s’est battu.

Au-delà de la controverse sur son racisme supposé qui a longtemps fait écran à la réception de L’Année du dragon, Michael Cimino filme Chinatown comme un dédale opaque, suivant les embardées de ses personnages dans une suite de couloirs, de boyaux, d’enclaves et d’espaces sinueux. L’obsession de pureté de Stanley White, malade d’idéalisme, bute contre l’illisibilité d’un monde hermétique qui n’est pas tant imputable à la communauté chinoise qu’à l’indifférente complexion du réel.

Avènement d’une esthétique

L’Année du dragon peut être regardé pour son énergie dévastatrice et son magnétisme trouble. Mais aussi pour la façon dont le film, dans la droite lignée de Blade Runner (1982), de Ridley Scott, annonçait l’avènement d’une certaine esthétique, directement liée à l’entrée de la Chine dans le marché économique mondial – esthétique dont les laboratoires se situaient alors dans ses cinématographies satellites, à Hongkong (les polars de Ringo Lam ou de John Woo) ou à Taïwan (l’urbanité désolée d’Edward Yang).

Cimino sature ses plans de détails – accessoires, décors, enseignes, inscriptions – qui non seulement confèrent à l’ensemble une densité dramatique, mais préfigurent déjà la multiplicité proliférante des signes dans l’espace urbain.

Lire : Article réservé à nos abonnés Michael Cimino passe la porte du paradis

De même, son appétence pour les luminosités et les matières synthétiques (la scène de la poursuite en boîte de nuit), son apport d’une dimension médiatique au récit (le personnage de Tracy Tzu, reporter télé), son intégration du simulacre dans la forme même du décor (la scène du restaurant), font de cette Année du dragon bien plus qu’un excellent polar ou une réflexion sur le melting-pot américain : un film précurseur, qui avait parfaitement tâté le pouls de son époque et senti à quoi son avenir proche allait ressembler.

L’Année du dragon, de Michael Cimino avec Mickey Rourke, John Lone, Ariane Koizumi, Raymond J. Barry (EU, 1985, 134 min).

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