vendredi, mai 17
Constance Vilanova, à Paris, en avril 2024.

C’était il y a vingt-trois ans pratiquement jour pour jour : le 26 avril 2001, « Loft Story » débarquait sur nos écrans, ouvrant ainsi l’ère de la télé-réalité à la télévision française. En presque un quart de siècle, si le format a survécu, les programmes ont muté, les candidats se sont professionnalisés, et le regard du public a, lui aussi, évolué. Parmi ces téléspectateurs, la journaliste indépendante Constance Vilanova a grandi avec ces émissions qui ont accompagné toute son adolescence. Aujourd’hui âgée de 31 ans, elle livre une introspection personnelle et professionnelle dans un essai, Vivre pour les caméras (JC Lattès, 224 p., 20 €).

Archive (2001) | Article réservé à nos abonnés « Loft Story »: enquête sur les coulisses de la première émission de télé-réalité

En quoi la télé-réalité a-t-elle « modelé une génération », au-delà même de ceux qui la regardent ?

Lors d’une intervention dans un lycée, j’avais demandé aux élèves lesquels d’entre eux regardaient « Les Marseillais » [programme phare de la télé-réalité, diffusé sur W9 entre 2012 et 2022]. Les mains ne se sont pas levées, mais tous savaient qui était Maeva Ghennam ou Milla Jasmine, candidates emblématiques de ce programme, tous avaient vu les séquences de dispute ou de violence extraites de ces émissions. Donc tout le monde est impacté par ces programmes, qu’on en soit téléspectateur ou non. Cela se voit aussi dans les modes narratifs sur les réseaux, où il faut désormais tout montrer, il y a un besoin d’extimité permanent, de montrer du « vrai », comme dans la télé-réalité, y compris des moments douloureux. On l’observe notamment sur TikTok avec des jeunes qui se filment en train de pleurer et chroniquent leur rupture amoureuse semaine après semaine.

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Vous écrivez que ces programmes ont « participé à banaliser les violences sexistes et sexuelles », de quelle manière ?

Le cadre général est sexiste en lui-même : le dispositif pousse les candidates à se mettre en couple pour exister, sinon elles se font évincer par la production et ne sont pas reconduites d’une émission à une autre. Du côté des hommes, le modèle de masculinité prôné est également problématique, avec des candidats qui multiplient les relations et sont infidèles face à des femmes passives et éplorées. Comme la télé-réalité a été un angle mort médiatique pendant longtemps, nous n’avons pas écouté les premières alertes des candidates qui se sont exprimées dans la presse à scandale ou auprès de blogueurs : certains candidats mis en cause dans des faits de violences sexuelles ou sexistes ont été reconduits à l’écran parce qu’ils étaient des figures emblématiques de ces programmes. Cela a mis en danger beaucoup de candidates qui ont été réexposées à la même violence et remises dans les bras de prédateurs.

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