jeudi, mai 2

Les enfants adorent la purée d’épinards et le potage de navets. Pour le croire, il faut passer une tête à la crèche Paul-Vaillant-Couturier de Villejuif (Val-de-Marne). Croiser d’abord la maraîchère qui livre de bon matin ses poireaux, carottes, navets, courges et patates douces, ses épinards, céleris, blettes et oignons, aussi beaux que bio, cueillis la veille à Tannerre-en-Puisaye, dans l’Yonne.

Deviser ensuite avec le cuisinier, Chadhuli Moindjie, dont le couteau réduit déjà les navets en petits dés. Son sourire dit tout le plaisir à « toucher ces bons légumes qui viennent de la ferme ». Puis saliver en écoutant la directrice de la crèche, Florence Arondel, sabots rouge pomme aux pieds, qui évoque « l’odeur de la purée de butternut ou de navets en train de cuire ». « Rien à voir avec les surgelés ou les conserves d’avant. Les petits en raffolent, ils boivent les potages au bol ! » Rencontrer, enfin, un père – Bakari, éducateur sportif – heureux que soit ici offert à sa fille Abbi des aliments « carrément bénéfiques » mais coûteux que lui « n’achète pas souvent, malheureusement ». Abbi, 2 ans et demi, tétine sous capuche rose, n’a pas encore l’âge de clamer son amour des légumes bio de saison.

Remonter aux sources du potage de navets goûtu mène sur le chemin de terre de la ferme municipale. Car Villejuif, en première et dense couronne parisienne, cultive désormais ses propres légumes bio, comme 93 autres villes et villages français. Depuis quatre ou cinq ans, le maire qui ne peut évoquer sa ferme communale, son recrutement de maraîcher bio, son adjoint « ville nourricière » ou « souveraineté alimentaire » a presque raté sa vie d’édile.

« On réconcilie l’urbain et l’agricole »

Pierre Garzon, celui de Villejuif, où six crèches sont depuis peu alimentées en carottes municipales, a bénéficié d’un coup de pouce du hasard : « Nous cherchions à acheter un terrain pour les nombreux enfants de nos centres de loisirs dont l’horizon est trop borné. » Pour mise au vert, commune cherche champ avec point d’eau à moins de deux heures de car… « Nous avons fini par en trouver un, dans l’Yonne, poursuit le maire (Parti communiste français), élu en 2020. C’était une ferme maraîchère bio vieille de 13 ans qui était mise en vente, faute de débouchés. Un gâchis ! Nous, dans le même temps, nous ne trouvions pas de fournisseurs en Ile-de-France pour augmenter le bio dans nos cantines. Nous achetions très cher des fruits et légumes venant parfois de l’autre bout de la planète… »

Il y avait de quoi s’entendre. Sauf que la commande publique a ses contraintes, qui empêchent de privilégier tel producteur local. « Alors nous avons acheté la ferme, ses 12 hectares dont trois déjà cultivés, compte M. Garzon. Et la maraîchère est devenue employée communale. » Logiquement l’opposition s’est opposée, se souvient-il. « J’étais le bolchevique nostalgique des kolkhozes… » Mais la majorité elle-même s’est divisée. Produire choux et carottes, était-ce bien la mission d’une ville ? M. Garzon y a cru ferme, l’exploitation acquise le 24 octobre a livré ses premières caisses de légumes début novembre. La maraîchère qui la dirige, Isabelle Gauffeny, a gagné des débouchés fixes, un salaire (2 400 euros net par mois), des week-ends, en un mot la « sérénité », souffle-t-elle.

Il vous reste 69.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version