mercredi, mai 8
Madeleine Pelletier, à Paris, en 1910.

« Mémoires d’une féministe intégrale », de Madeleine Pelletier, édité par Christine Bard, Folio, « Histoire », inédit, 272 p., 8,30 €.

« Evidemment je suis née ­plusieurs siècles trop tôt », écrit la militante féministe Madeleine Pelletier (1874-1939) dans son journal, tenu durant les premières semaines de la Grande Guerre. La parution de ses textes autobiographiques, remarquablement édités par l’historienne Christine Bard sous le ­titre Mémoires d’une féministe intégrale, fait sentir la justesse de cette phrase. Incomprise, méprisée, moquée de son vivant, elle est notre contemporaine.

Celle qui mourut dans un absolu dénuement, arrêtée puis internée à l’asile psychiatrique pour avoir aidé à avorter une jeune fille violée par son frère, jetée enfin à la fosse commune, a été honorée par le président de la République Emmanuel Macron dans son ­discours solennisant la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution, le 8 mars. Pourquoi donc a-t-il fallu attendre si longtemps pour la redécouvrir, et désormais lire ses Mémoires ?

D’abord en raison de la précarité matérielle de ces écrits, un ensemble composite arrivé jusqu’à nous presque en contrebande. Cela a nécessité un mélange de hasard et de ténacité militante, comme le raconte Christine Bard au « Monde des livres » : « Madeleine Pelletier a pris soin, en avril 1933, de donner le manuscrit le plus long de cet ensemble, “Mémoires d’une féministe”, à Marie-Louise Bouglé, qui était une sorte d’archiviste militante officieuse pour les féministes les plus radicales. L’ensemble des archives de cette dernière a été mis en péril par son décès, en 1936. Heureusement, une société s’est formée pour les sauvegarder. Dix ans plus tard, un lieu a enfin pu accueillir ces documents, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Mais ce n’est qu’en 1980 qu’on a commencé à en faire l’inventaire. »

Les deux autres volets du recueil sont conservés à la bibliothèque Marguerite-Durand, à Paris : le journal de guerre, mais dans une version dactylographiée, l’original ayant disparu, sans doute volé, dans les années 1990, comme le dernier texte de l’ensemble, le plus émouvant peut-être : un récit de son enfance dicté par Madeleine Pelletier à l’une de ses amies, l’institutrice féministe et pacifiste Hélène Brion, six jours avant sa mort à l’asile. Christine Bard insiste sur la fragilité de ces chaînes de transmission : « Il faut souligner que toutes ces archives féministes n’ont pas été préservées par la voie royale des archives publiques, mais grâce à des initiatives militantes. »

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