lundi, mai 6

Parfois, mieux vaut battre le fer tant qu’il est chaud. A force d’avoir tardé à faire approuver le CETA, l’accord économique et commercial global conclu entre l’Union européenne (UE) et le Canada, le gouvernement a involontairement mis en péril sa ratification par le Sénat.

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Mis en œuvre provisoirement depuis 2017, adopté par l’Assemblée nationale en 2019, le texte n’avait toujours pas été soumis à l’approbation de la Chambre haute, faute d’inscription à son agenda par le gouvernement. Le groupe communiste au Sénat a décidé, dans le cadre de sa niche parlementaire, de permettre aux élus de se prononcer enfin sur le CETA, lors d’un vote, jeudi 21 mars.

Si la démarche est inattendue, elle ne doit rien au hasard : au sortir de la crise agricole qui a secoué l’Europe, le libre-échange est plus que jamais un sujet politique inflammable. Alors qu’une alliance de circonstance entre une partie de la gauche et une majorité Les Républicains se dessine au Sénat, le choix de ce calendrier a pour but de fragiliser un texte qui, globalement, est favorable à l’économie française.

La colère agricole a notamment prospéré sur la dénonciation de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). L’adoption de ce traité a été repoussée sine die à juste raison, notamment sous la pression de la France. Les ambitions sur les plans environnemental et social n’étaient pas à la hauteur des standards européens et menaçaient de déboucher sur une concurrence déloyale pour nos agriculteurs. En mettant le CETA à l’ordre du jour au Sénat, les communistes veulent profiter de cette dynamique de contestation du libre-échange pour s’opposer à cet accord.

Premier bilan favorable

Le CETA n’est pourtant pas à mettre sur le même plan que le Mercosur. Les deux textes n’ont pas grand-chose en commun. Les clauses négociées, la structure des échanges, le niveau de développement des partenaires commerciaux sont très différents. Surtout, la mise en œuvre provisoire de l’accord avec le Canada permet d’en dresser un premier bilan, qui penche très favorablement du côté européen.

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En six ans, les exportations vers le Canada ont augmenté d’un tiers, l’excédent des filières agricoles et agroalimentaires a été multiplié par trois. De nombreux secteurs (sidérurgie, textile et services) ont été largement gagnants. Quant aux craintes sur l’élevage, elles ne se sont pas concrétisées : la part des importations de viande canadienne dans la consommation européenne est restée epsilonesque. En imposant les normes sanitaires européennes pour pouvoir exporter vers l’UE, le CETA a notamment barré l’entrée au bœuf canadien produit avec des hormones de croissance. Dans le même temps, les taxes douanières ont été levées sur des dizaines d’indications géographiques européennes, qui restent protégées des contrefaçons.

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Au-delà de la contribution au solde de notre commerce extérieur, le CETA a permis de sécuriser certaines chaînes de valeur sur des métaux critiques indispensables à la transition énergétique et de diversifier nos approvisionnements en hydrocarbures, alors que nous n’avons plus accès au gaz et au pétrole russes.

L’ère de la mondialisation heureuse et du libre-échange débridé est bel et bien révolue. Mais il est nécessaire de faire preuve d’un minimum de discernement et d’éviter de tomber dans la démagogie. Dans un monde fragmenté, où le nombre de partenaires commerciaux fréquentables se rétrécit, il serait dommageable sur le plan économique comme sur le plan géopolitique de renoncer à commercer sur une base équilibrée avec des pays qui partagent nos intérêts.

Le Monde

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