mardi, avril 30
Julia Faure, cofondatrice de la marque de vêtements responsables Loom, dans ses locaux parisiens, le 2 février 2024.

Essayez de calculer combien de boîtes de six œufs vous achetez chaque année. Impossible ? Et bien sachez qu’en France, 3,3 milliards de vêtements ont été mis sur le marché en 2022 et que ce chiffre dépasse copieusement notre production annuelle d’œufs, pourtant la plus importante en Europe. « Aujourd’hui, on consomme les fringues comme si c’était des œufs. On les casse, on fait une omelette et on en rachète », compare Julia Faure, 35 ans, reine de la métaphore quand il s’agit de dénoncer les ravages d’une industrie textile ultra-polluante. Un bulldozer qui roule à la fois sur la planète et l’économie, face auquel l’entrepreneuse n’est qu’une petite fourmi. « Je suis minuscule. Ma marque est minuscule. Ce qu’on produit est minuscule. »

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Si la jeune femme a cofondé sa propre marque de vêtements éthiques, Loom, elle implore d’en acheter le moins possible. Sa devise : « Moins mais mieux ». Qu’importe le business (ou presque), vive la sobriété. Car imaginez, cette fois, une immense baignoire qui déborde : on éponge, on éponge, mais personne ne vient fermer le robinet de la fast fashion, qui inonde le marché. « On recycle, on fait de la seconde main… on traite des symptômes, mais on n’agit pas sur les choses les plus logiques », déplore celle qui milite pour une régulation des entreprises textiles – la sienne y compris – au travers de lois contraignantes.

Tout est parti d’un constat. En créant Loom, en 2017, Julia Faure et son associé, Guillaume Declair, prennent conscience de l’existence d’une « prime au vice » dans le secteur de la mode, soit un avantage compétitif à « mal faire » : « Si tu décides de délocaliser ta production du Portugal vers le Bangladesh, tu divises par 2, 3, voire 10, tes coûts de production, explique Julia Faure. Donc tu peux vendre moins cher et faire plus de marge : ce n’est pas pour rien que la majorité des vêtements vendus en France sont fabriqués en Asie. Plus tu produis d’externalités négatives (des conditions sociales déplorables, des salaires de misère, un environnement mal protégé…), plus c’est bénéfique pour ton entreprise. »

Changer les règles du jeu

Dans un tel contexte, les cofondateurs de Loom comprennent qu’il n’y aura pas d’autorégulation du secteur et qu’il ne suffit pas de lancer une marque éthique pour renverser le marché. Eux ont choisi de fabriquer en France et au Portugal, et de ne faire ni soldes, ni promotions, ni publicité, ni collections. Mais, face à l’urgence de réduire la production mondiale de vêtements, qui cumule autant d’émissions de gaz à effet de serre que le transport aérien, ce sont les règles du jeu qu’il faut changer. Et donc les lois.

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