samedi, mai 4

Joe Biden n’a pas de rival pour l’investiture démocrate à la présidentielle.
Pourtant, les doutes sur sa mémoire, ainsi qu’un sondage accablant, ouvrent l’hypothèse d’un retrait.
Et s’il n’y allait pas ? Qui, parmi les démocrates, pourrait empêcher un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ?
TF1info a passé en revue cinq candidats potentiels, avec l’aide du chercheur Jean-Eric Branaa.

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États-Unis : l’âge de Joe Biden au centre de l’attention

Presque neuf américains sur dix estiment que Joe Biden est trop âgé pour un second mandat. C’est le verdict d’un sondage Ipsos pour la chaîne américaine ABC. L’actuel locataire de la Maison-Blanche, déjà le plus âgé jamais investi, frôlera les 82 ans lorsque les électeurs se rendront aux urnes le 5 novembre prochain. Ces derniers jours, les attaques se sont multipliées sur sa mémoire supposée défaillante, à la suite d’une série de gaffes, et du rapport d’un magistrat qui pointait sa « mauvaise mémoire ».

S’il est sans concurrent à sa mesure dans le Parti démocrate, et que Donald Trump, le probable candidat du camp républicain, n’a que trois ans de moins que lui, le doute est déjà instillé sur ses capacités à repartir pour un quatrième mandat, voire à mener une campagne électorale. C’est l’hypothèse que fait l’enseignant et chercheur Jean-Eric Branaa, consulté par TF1info : Joe Biden pourrait céder sa place avant l’échéance électorale de novembre, et le mois de mars serait le plus propice à un « passage de flambeau ». Ce spécialiste des États-Unis a accepté de passer en revue avec nous cinq candidats régulièrement cités comme alternatives possibles.

Kamala Harris, l’évidence

« Il n’y a qu’elle, en réalité », estime Jean-Eric Branaa, « on est à un moment du match où il est très difficile de remplacer le capitaine ». Kamala Harris posssède « l’autorité nationale » indispensable pour être investie par les démocrates, après trois ans de mandat à la vice-présidence, qui lui donne également préséance sur les autres candidats potentiels, dans la logique du parti. Elle dispose aussi des réseaux, autre condition à une candidature solide, notamment pour financer une campagne. 

Par ailleurs, Kamala Harris aurait derrière elle le Parti démocrate, où « Joe Biden a fait le ménage ». L’équipe de Bernie Sanders, et tout le courant « progressiste », ont beaucoup perdu en influence, par rapport au poids considérable qu’ils avaient il y a quatre ans. L’impression d’effacement que peut donner la vice-présidente depuis 2021 est inhérente à sa fonction, selon Jean-Eric Branaa. Kamala Harris a au contraire gagné en crédibilité dans tous les dossiers qu’elle a portés, et particulièrement à l’échelle internationale. Une dimension qui lui faisait défaut lorsqu’elle s’était présentée aux primaires démocrates il y a quatre ans. 

Kamala Harris inverserait aussi complètement le problème de l’âge du candidat démocrate : elle affronterait à 60 ans tout juste un Donald Trump âgé de 78 ans lors du scrutin, et lui aussi sujet à de fréquentes confusions de noms. Populaire auprès des jeunes et des minorités, Kamala Harris pourrait aussi remobiliser un électorat qui s’éloignait de Biden.

Gavin Newsom et Gretchen Whitmer, les gouverneurs

Jean-Eric Branaa rappelle que le gouverneur de Californie fait partie du « groupe de San Francisco », soit le même courant que Kamala Harris au sein du parti. Sans doute trop progressiste pour être adoubé par les barons démocrates, celui qui dirige la Californie depuis 2019 partirait de trop loin pour une candidature de rassemblement dans des délais aussi courts. 

Autre gouverneure démocrate dont une candidature est envisagée par certains, Gretchen Whitmer, à la tête de l’État du Michigan, elle aussi depuis le scrutin de 2019. Pour notre expert, qui la juge « engagée et solide », elle manque encore cependant d’envergure nationale pour se présenter. Elle aurait pu être une menace pour Kamala Harris dans le cadre de primaires, mais pas dans les circonstances envisagées ici, et sera plutôt son alliée si elle devait se présenter. 

Michelle Obama, celle qui ne veut pas

Donnée gagnante dans un récent sondage, au cas d’un très hypothétique affrontement avec Donald Trump, l’épouse de l’ancien président américain revient à nouveau dans les spéculations pour remplacer Joe Biden en cas de défaillance. Pour Jean-Eric Branaa, c’est Donald Trump lui-même qui a instillé cette hypothèse pour affaiblir à la fois Joe Biden et Kamala Harris. Barack Obama avait expliqué lui-même sa certitude absolue que son épouse ne se lancerait jamais en politique, ce que l’intéressée a confirmé fermement, il y a encore quelques mois. « Ce n’est pas dans mon âme », avait-elle réaffirmé à Oprah Winfrey, assurant n’avoir « jamais exprimé aucun intérêt pour la politique ».

AOC

On parlait beaucoup d’Alexandria Ocasio-Cortez, il y a quatre ans, « au moment où les progressistes avaient encore beaucoup d’appuis dans le parti », explique le chercheur. « Elle était la vedette nationale » de l’aile gauche du Parti démocrate, à l’époque de la candidature de Bernie Sanders, « auprès de qui elle était une voix féminine, avec une vision du futur ». Trop jeune pour se présenter en 2020, « AOC » atteindra les 35 ans requis cette année, un mois avant le scrutin, et sa candidature est théoriquement possible. Mais son âge la disqualifie encore pour espérer une victoire lors d’un scrutin national, estime Jean-Eric Branaa, de même que son positionnement progressiste. Elle ne dispose pas non plus des appuis nécessaires, et la marche est sans doute trop haute pour passer de simple représentante (l’équivalent américain de députée, NDLR), qu’elle est pour l’instant, à présidente des États-Unis.

Pour Jean-Eric Branaa, s’il doit y avoir un désistement de Joe Biden et un « passage de flambeau », il aura forcément lieu après le « Super Tuesday », le 5 mars prochain, pour éviter une multiplication des candidatures. Les électeurs démocrates de nombreux États voteront ce jour-là dans le cadre des primaires, où Joe Biden est quasiment assuré de l’emporter. Les délégués envoyés à la convention démocrate par ce vote se retrouveraient alors libre de leur choix, le candidat initial s’étant retiré entretemps. Les très nombreux « caciques du parti », inféodés à Joe Biden, voteraient alors massivement pour Kamala Harris, selon le spécialiste. Tenter sa chance dans de telles circonstances politiques, et dans un délai aussi court, semble particulièrement risqué pour tout autre candidat que l’actuelle vice-présidente.


F.Se

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