mardi, mai 7
Image extraite du documentaire de Yamina Zoutat, « Chienne de rouge ».

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Il est de ces films qui sèment des petits cailloux que l’on veut bien suivre sans trop savoir où ils vont nous mener. Juste parce que la résonance entre les images et la voix off ouvre un chemin singulier, labyrinthique, n’appartenant qu’à une personne, dont le fil rouge est ici le sang : « Je me suis réveillée un matin avec ce désir : filmer du sang. »

Ainsi commence le documentaire Chienne de rouge, second long-métrage de Yamina Zoutat (Retour au Palais, 2017), ancienne chroniqueuse judiciaire pour la télévision qui suivit le procès du sang contaminé, en 1999 – ce fut l’un des plus grands scandales sanitaires en France, avec son lot de victimes ayant contracté le virus du sida après des transfusions de sang contaminé. L’expérience a laissé des sentiments mêlés à la réalisatrice, jusqu’à l’intitulé de l’affaire : « Le procès du sang, comme si le coupable était le sang », dit-elle avec le recul.

A l’époque, la jeune reporter, alors âgée de 29 ans, avait reçu l’ordre de sa hiérarchie de ne pas montrer d’images de sang dans ses reportages. Un tabou que Yamina Zoutat met en parallèle avec la profusion d’hémoglobine dans l’histoire du cinéma, depuis les premiers films de genre jusqu’aux westerns et autres films d’action – l’occasion pour la cinéaste de glisser dans son millefeuille d’images des extraits d’œuvres cultes, Nosferatu le vampire (1922), de Friedrich Wilhelm Murnau, Les Ailes du désir (1987), de Wim Wenders…

Jeu de piste visuel

Dans Chienne de rouge, on ne verra que du vrai sang, sauf dans cette séquence hallucinante, consécutive aux attentats de 2015, dans laquelle des étudiants en médecine incarnent des victimes d’une attaque terroriste, gisant sur le sol, tandis que d’autres s’entraînent à intervenir en urgence. Une effrayante impression de vérité se dégage de cette mise en scène sanguinolente.

Au commencement, soit à sa naissance, Yamina Zoutat a dû être entièrement transfusée, les rhésus de ses parents étant incompatibles. Un peu de sang de sa mère s’était mêlé au sien, et commençait à attaquer ses défenses. Il a donc fallu injecter au nouveau-né le sang d’un inconnu. Comme dit la cinéaste, ce n’est ni le sang de son père, qui vient d’Algérie, ni celui de sa mère, qui est italienne, qui coule dans ses veines. Le film palpite de ces origines biologiques pour s’étirer à d’autres événements, plus ou moins tragiques ou apaisants.

On suivra donc, pêle-mêle dans ce jeu de piste visuel, et au-delà de l’écoulement des flux menstruels, filmé en direct, un jeune homme convoyeur de sang, circulant à bord de son véhicule pour livrer en temps et en heure des poches salvatrices. Mais aussi une professeure de médecine spécialiste de la greffe, une femme qui revit grâce à un don de cellules, ou encore cette petite chienne qui hante le film, flairant le tapis de feuilles humides d’une forêt.

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