jeudi, mai 9
Manifestation contre les émetteurs de combustibles fossiles, exigeant des mesures et davantage de contributions au fonds des Pertes et dommages, lors de la COP28, à Dubaï (Emirats arabes unis), le 4 décembre 2023.

Certains climatologues décident de participer à des actions militantes. D’autres estiment que leur rôle est d’éclairer le débat public à distance. Les auteurs des études d’attribution sont au croisement de ces deux voies orthogonales de la climatologie. Car l’objet même de leurs travaux, déterminer la part de la responsabilité humaine dans l’intensification et la multiplication d’événements extrêmes, est au cœur d’intenses discussions dans la diplomatie et dans la justice climatique. « Nous nous sommes imposé un protocole et un format de rédaction très stricts pour avoir le moins de jugement personnel possible, précise Davide Faranda, spécialiste des événements extrêmes à l’Institut Pierre-Simon-Laplace, et coordinateur du Climameter, un collectif qui réalise des études d’attribution. C’est un outil scientifique, mais qui est à la disposition de la société… »

Ce domaine de la climatologie intéresse particulièrement les défenseurs du fonds Loss and Damage (« pertes et dommages »). Lancé en 2022, à la 27Conférence des parties sur le climat à Charm El-Cheikh, en Egypte, ce nouveau fonds a reçu les premières promesses de dons lors de la COP28 à Dubaï, aux Emirats arabes unis, fin 2023 (661 millions de dollars, 607 millions d’euros). Son conseil d’administration, qui n’est pas encore tout à fait constitué, doit réfléchir à la meilleure façon d’indemniser les pays en développement qui subissent des pertes irréversibles provoquées par le réchauffement climatique ou des dommages après des catastrophes naturelles.

D’où l’intérêt de la science de l’attribution, qui quantifie la responsabilité humaine dans les impacts créés par les événements extrêmes. « Les études issues de la science de l’attribution peuvent aider à identifier les pays rendus les plus vulnérables et orienter les réflexions du conseil d’administration », résume Fanny Petitbon, responsable du plaidoyer au sein de l’ONG CARE France et spécialiste du climat.

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Les Etats-Unis et d’autres Etats voient d’un très mauvais œil la création de ce fonds. Justement parce qu’ils redoutaient de voir les pays en développement réclamer des dédommagements en fonction de la « dette climatique » des pays développés. Les Etats-Unis, ayant émis 25 % des gaz à effet de serre dégagés dans l’atmosphère depuis 1850, devraient-ils indemniser certaines populations touchées par une sécheresse à partir de ce taux-là ? Cette perspective effraie de nombreux diplomates des pays occidentaux.

« De nombreuses questions éthiques »

Mais, même si les études d’attribution peuvent être des pièces apportées aux débats, leurs limites sont trop nombreuses pour en faire un critère d’attribution unique. « Si l’on apporte des financements aux pays touchés par les événements les plus attribuables à l’homme, on peut prendre le risque de négliger ceux qui ont aussi des besoins, mais où il n’y a pas eu d’études d’attribution. Ça pose aussi de nombreuses questions éthiques », analyse Aglaé Jézéquel, climatologue au Laboratoire de météorologie dynamique. « Elles doivent être un outil parmi beaucoup d’autres, car ce n’est pas une solution miracle. Elles ont besoin de données fiables et les pays les plus touchés sont justement ceux où les observations des événements extrêmes sont les plus lacunaires », poursuit Mme Petitbon.

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