jeudi, mai 9

La revue des revues. 2024 est une singulière année électorale. Les citoyens de soixante-seize pays sont appelés à voter. Si certaines élections sont particulièrement scrutées, comme la présidentielle aux Etats-Unis, ce phénomène est pourtant devenu banal. Car « il n’y a plus de distinction claire entre la phase de campagne électorale et celle de gouvernement », remarque l’écrivain Giuliano da Empoli, qui dirige le nouvel opus papier de la revue en ligne Le Grand Continent.

Autrefois, le réalisme gouvernemental succédait au lyrisme de la conquête électorale. « On fait campagne en poésie mais on gouverne en prose », résumait d’un trait le sénateur démocrate américain Mario Cuomo (1932-2015). Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une logique de campagne permanente, observe Giuliano da Empoli. La poésie – même politique – n’est pourtant pas devenue la règle de la vie démocratique puisque les médias numériques maintiennent l’espace public dans un lancinant climat agonistique.

Il faut dire que le monde est fracturé. Divisée entre les partisans de la transition écologique et les climatosceptiques, l’Europe voit s’opposer deux « styles de vie », entre « multiculturalistes et progressistes d’un côté, et conservateurs et identitaires de l’autre », analyse le politiste Jean-Yves Dormagen.

L’Union européenne, un indispensable objectif

Le conflit en Ukraine a renforcé l’appartenance européenne de cette nation conduite par Zelensky, ce « Churchill avec un iPhone », mais l’Europe doit davantage l’aider, estime l’historien britannique Timothy Garton Ash : « L’Ukraine a fait son choix européen. L’Europe doit maintenant faire avec cohérence son choix ukrainien. »

Le conflit à Gaza accroît quant à lui les divisions au sein de l’Union européenne (UE). « La concomitance de ces deux conflits nous pose des problèmes de cohérence (…) vis-à-vis du reste du monde », reconnaît Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne. En résumé, écrit ce partisan d’un cessez-le-feu à Gaza et d’une solution à deux Etats, « notre absence d’unité » sur le conflit israélo-palestinien « a affaibli notre crédibilité en matière de défense du droit international ».

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Une impression de « deux poids, deux mesures » particulièrement prégnante dans le Sud global, notion critiquée par le politologue Bruno Tertrais. Il y voit un « piège intellectuel et politique » qui « valorise l’idée d’une confrontation politique avec l’Occident », alors que la chercheuse Aude Darnal défend au contraire l’« expression la plus polysémique et la plus neutre disponible » pour désigner les Etats du Sud, malgré leur hétérogénéité.

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