lundi, mai 20
« Interdit d’éclabousser » : panneau près d’un site de déversement d’eaux de surface et d’eaux usées, dans le village de Hampstead Norreys, au Royaume-Uni, le 24 avril 2024.

Le long du sinueux cours de la Tamise, ce coin du Berkshire a tout de la carte postale anglaise. En cette journée d’avril encore fraîche et humide, le jaune des champs de colza le dispute au vert anis des saules ou au mauve des jacinthes sauvages. Sillonnée de chalk streams, des ruisseaux apparaissant quand le trop-plein des nappes phréatiques remonte à travers les failles du sol crayeux (une rareté géologique), la campagne est radieuse.

Mais les apparences sont trompeuses : « Qui pourrait croire qu’on vit ainsi depuis quatre mois ? », dit en soupirant Moz Bulbeck Reynolds, une résidente du village d’Eastbury, en désignant la route séparant trois charmants cottages (dont le sien, au milieu) de la Lambourn, un chalk stream au débit anormalement rapide pour la saison.

La chaussée est couverte d’une eau sale dans laquelle flottent des rubans de papier toilette, une bouche d’égout déborde sporadiquement à gros bouillons sur le bitume. « On voit régulièrement des matières fécales apparaître, venant directement des chasses d’eau. C’est immonde. Il faut désinfecter les pattes de mon chien à chaque fois qu’on part en promenade », explique Mme Bulbeck Reynolds.

« Ralentissez ! ralentissez ! », hurlent à l’attention des voitures Carolyne Culver et Steve Masters, deux élus locaux Verts venus prendre de ses nouvelles. Malgré les panneaux bricolés par Moz, les véhicules souillent régulièrement les façades des cottages. « Bienvenue dans l’Angleterre du XXIe siècle ! On se croirait dans un roman de Dickens. Tout ça parce que les réseaux d’égouts, dont certains datent de l’ère victorienne, n’ont pas été redimensionnés ces trente dernières années. Ils sont encore conçus pour recevoir les eaux de pluie, en plus des eaux sales. Ils saturent dès qu’il pleut », raconte Steve Masters, membre du conseil municipal de Newbury, chef-lieu du West Berkshire.

Endettements intenables

Le camion-citerne de Thames Water, la plus grosse compagnie des eaux britannique, chargée de l’approvisionnement en eau potable et du retraitement des eaux usées dans la vallée de la Tamise et à Londres, vient juste de partir. Moz Bulbeck Reynolds a pris l’habitude de l’appeler quand les égouts débordent. « Il aspire le trop-plein et va le rejeter un peu plus loin. Mais les eaux sales reviennent très vite », déplore la jeune femme, originaire d’Australie, qui rêverait d’habiter sur les collines alentour, car, « dans la vallée, les terres sont saturées d’eau ». « Thames Water n’a pas pris en compte l’augmentation de la population, et le changement climatique aggrave la situation. La pluviométrie a été considérable depuis l’automne dernier, et les chalk streams ne désemplissent pas », ajoute M. Masters, vétéran de la Royal Air Force reconverti dans le militantisme environnemental.

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