FRANCE.TV SLASH – À LA DEMANDE –DOCUMENTAIRE
« Arrêtez de vous laisser émasculer par les meufs ! » Ce propos est dit « masculiniste », du mouvement né dans les années 1970 aux Etats-Unis et qui estime que le féminisme puis le mouvement #metoo ont provoqué une crise de la masculinité. Dans son dernier rapport publié en janvier, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes alerte sur un ancrage « des réflexes masculinistes et des comportements machistes », notamment chez les jeunes hommes adultes.
Le journaliste Pierre Gault a enquêté pendant neuf mois sur ces mâles qui se rêvent alpha, qu’il a repérés sur Internet et sur les réseaux sociaux. Si son documentaire débute dans la légèreté, il se poursuit par une dramaturgie croissante pour mener au pire.
Sur les 150 000 influenceurs recensés en France en juin 2023, le journaliste a identifié 103 masculinistes. Il en a contacté une quinzaine et épluché les contenus publiés par certains d’entre eux, dont Killian Sensei (186 500 abonnés sur YouTube), Hugo RF (44 000 followers sur Instagram), Léo Psychologue… Parallèlement à son infiltration du mouvement, il a interrogé une chercheuse et militante féministe travaillant depuis quinze ans sur le sujet, Stéphanie Lamy, qui l’a aidé à en décrypter les différentes tendances.
Deux courants sont dominants : les MGTOW, pour « men going their own way » (« hommes suivant leur propre voie »), qui affichent leur supériorité sur les femmes, et les « incel », célibataires involontaires, rejetés par la gent féminine. « Oui, quelque part, on peut dire qu’ils ont peur pour leurs couilles », commente la chercheuse avant d’éclater de rire et de demander, face à la caméra : « Ça va, c’était assez scientifique ? » Une légèreté de ton qui ne laisse pas présager de la suite. Pierre Gault va d’abord suivre un cours dans « La Meute », dispensé par l’influenceur Azurr – 21 ans, beau gosse au look de gourou, et le seul à avoir accepté de recevoir le réalisateur.
Ce dernier a ensuite interviewé un ex-« incel », Gaël, qui va, avec courage, raconter comment, lycéen moqué, tout a débuté pour lui par une recherche – « comment draguer une fille ». Il ira jusqu’à se radicaliser, avant qu’un contenu raciste lui serve de déclic.
Le film passe au cran supérieur avec la vidéo de Jean-Marie Corda déclarant son admiration pour Anders Behring Breivik, tueur de 77 personnes le 22 juillet 2011, 8 assassinées à Oslo, et 69 jeunes gens sur l’île d’Utoya.
Le masculinisme peut mener aux drames. La tuerie perpétrée par Elliot Rodger (6 morts le 23 mai 2014 à Santa Barbara, en Californie) est ainsi présentée comme le premier « symbole de la revanche “incel” » ; et le premier meurtre masculiniste en France est daté du 29 janvier 2020, lorsque Mickaël Philetas tue son ex-compagne, Mélanie Ghione, de quatre-vingts coups de couteau. « Une femme qui te fait une dinguerie ne doit pas repartir vivante », assurait le vidéaste peu de temps avant de commettre son crime.
Mascus. Les hommes qui détestent les femmes, de Pierre Gault (Fr., 2024, 52 min).
