samedi, mai 18
Une œuvre de Lauren Halsey, à la galerie Gagosian, à Paris.

Ses œuvres hétéroclites, à la croisée de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, aussi foisonnantes que colorées, détonnent dans le blanc absolu de la galerie. Les assemblages géants de Lauren Halsey mêlent photos, objets de récupération, maquettes, affiches, tracts, prospectus et graffitis émergeant des nimbes – des nuages de différentes tailles aux dégradés fluorescents. Ces collages en volume, aux limites du kitsch, ressemblent à des autels, chacun d’entre eux mettant en avant, dans un tourbillon de références, un moment des vicissitudes de la vie du quartier de South Central, à Los Angeles, où l’artiste de 37 ans a grandi et vit toujours.

A chaque fois un même jeu de concrétion du temps, entre environnement musical, avec des photos de chanteurs et icônes noires américaines, d’Aretha Franklin à Stevie Wonder en passant par Sun Ra, et détails architecturaux du quartier, à travers des images, mais aussi des reproductions de façades – coiffeurs, instituts de beauté ou magasins de donuts. Ces monticules sur panneaux de bois recomposent une mémoire, entre souvenirs personnels et destin collectif fait de précarité et de violence, mais aussi de luttes fédératrices, de créativité et du sentiment de fierté d’une communauté aux multiples facettes.

Hiéroglyphes et culture hip-hop

L’œil glisse des intérieurs aux extérieurs, des images d’archives, en couleurs ou noir et blanc, aux transformations du quartier, comme dans les méandres d’une histoire convoquée avant que l’esprit des lieux et des époques s’efface dans les mutations du renouvellement urbain.

A l’étage se déploie une autre série de bas-reliefs, plus récente et classique dans sa facture, puisqu’il s’agit de gypse gravé. Ici, hiéroglyphes et culture visuelle hip-hop s’entremêlent dans une vision afrofuturiste fourmillante de détails. Cette approche a pris la forme, en 2023, d’une installation aux airs de temple égyptien sur le toit du Metropolitan Museum, à New York. Et, alors qu’une installation du même type devrait bientôt voir le jour dans South Central, cette fois comme œuvre pérenne dans l’espace public, son travail est actuellement visible à la Biennale de Venise, dans les pièces extérieures de l’exposition centrale, intitulée « Etrangers partout ». Elle y présente un ensemble monumental de six colonnes en pierre, chapiteaux hathoriques gravés et coiffés par des figures féminines engagées de son quartier, où s’entrecroisent l’iconographie égyptienne et la vitalité de la culture populaire d’une communauté fixée dans la pierre − et par là même anoblie.

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