vendredi, mai 3
Lawrence Abu Hamdan dans son film « Walled Unwalled » (2018). Vue de l’exposition « Aux frontières de l’audible », au FRAC Franche-Comté, à Besançon, en 2023.

Il est exposé dans les musées et les biennales du monde entier, collectionné par le MoMA, à New York, la Tate, à Londres, ou le Centre Pompidou, à Paris, et il a reçu de nombreux prix, mais il ne se dit pas artiste. « Je me définis comme un détective audio », private ear en anglais, soit enquêteur indépendant expert en son, formule Lawrence Abu Hamdan. Le trentenaire jordanien, d’origine libanaise, a grandi en Angleterre et habite aujourd’hui entre Beyrouth et Dubaï. Dans son atelier, personne n’a fait d’école d’art, et son équipe fonctionne comme un laboratoire scientifique travaillant à l’intersection du son, du politique et du droit.

Se considère-t-il comme un activiste, lui qui enquête pour des tribunaux ou des organisations non gouvernementales sur des cas de crimes aux enjeux géopolitiques, juridiques et sociétaux, opposant le plus souvent des représentants officiels à de simples individus ? « Je suis au service de l’activisme, mais pas activiste moi-même », nuance-t-il. C’est en tout cas à partir de ses recherches et analyses acoustiques ancrées dans la réalité et l’actualité qu’il conçoit des œuvres complexes et passionnantes, qui se présentent le plus souvent sous la forme d’installations au plus près des contextes qui les sous-tendent.

Son exposition au Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Franche-Comté, à Besançon – sa toute première dans une institution française −, s’ouvre avec le film 45th Parallel (2022), qui a pour cadre une anomalie transfrontalière : la Haskell Free Library and Opera House, un site municipal mi-bibliothèque, mi-théâtre, à cheval entre le Canada et les Etats-Unis. Sur une scène de théâtre, devant deux décors peints que l’on retrouve dans l’installation, le cinéaste danois d’origine palestinienne Mahdi Fleifel évoque face caméra des histoires liées aux problématiques frontalières, comme le tir d’un garde depuis le sol américain à El Paso, au Texas, qui coûta la vie à un jeune homme de 15 ans non armé, côté mexicain, à Ciudad Juarez, en 2010.

Guerre sonore

Les frontières ne sont pas que terrestres : Lawrence Abu Hamdan explore la notion de « violence atmosphérique » dans A Diary of the Sky (2023), un journal du ciel qui amène les visiteurs à s’allonger afin de contempler le ciel libanais projeté au plafond. L’œuvre s’intéresse à la guerre sonore subie par les Libanais, du fait de la violation continue de leur espace aérien par les avions et les drones militaires israéliens depuis 2006. La narration offre une réflexion sur l’utilisation du bruit comme outil d’aliénation et de contrôle aux effets tant physiques que psychologiques sur la population, entre stress et infarctus.

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