dimanche, mai 5

Dans un arrêt publié le 13 février, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a reconnu la légalité de l’interdiction de l’abattage rituel [destiné à produire les viandes halal et casher] d’animaux sans étourdissement préalable, mise en place dans les régions flamande et wallonne de Belgique [tout en autorisant les techniques d’étourdissement « réversible », un procédé censé garantir que l’animal ne meure pas des suites de l’étourdissement, mais largement rejeté par les communautés juive et musulmane]. C’est un jour sombre pour l’Europe et ses valeurs d’égalité, de liberté et de tolérance.

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La décision de la CEDH rendra plus difficile l’expression d’une vie juive sur le continent européen. En Europe, en cela influencée par le christianisme et les Lumières, la liberté de religion est souvent confondue avec la liberté de conscience et de croyance. Pour les juifs, cependant, ces deux dernières ne suffisent pas. Le judaïsme n’est pas seulement une question de principes, de dogmes et de croyances, mais aussi, et c’est essentiel, une question de pratiques. La vie religieuse juive est imprégnée de pratiques et de lois : la circoncision (brit milah), l’abattage rituel (shechita), l’éducation juive, l’observance du shabbat et la tenue vestimentaire sont des éléments fondamentaux de notre religion.

Comme le souligne la « Stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive 2021-2030 », le plan présenté en octobre 2021 par la Commission européenne, les communautés juives ne peuvent exister et prospérer en Europe qu’à la condition de jouir de la liberté de pratiquer leur religion, en ayant la garantie que leurs obligations religieuses, leurs traditions et leurs coutumes seront respectées. Interdire l’abattage rituel, c’est donc très directement menacer la possibilité d’une vie juive en Europe.

Changement de paradigme

La décision de la CEDH constitue un dangereux changement de paradigme. Non seulement la Cour met des droits en concurrence, mais, pour la première fois, les droits des animaux sont considérés comme supérieurs à un droit humain fondamental : la liberté religieuse. Il ne s’agit pas ici de cautionner l’imposition de souffrances inutiles à l’animal, et ce n’est certainement pas ce qu’est la shechita. Néanmoins, subordonner une valeur aussi centrale que la liberté de religion, consacrée à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, au bien-être animal paraît juridiquement et politiquement inconsidéré. A bien des égards, les juges de la CEDH ont ouvert la boîte de Pandore.

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