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Les « Dubaï Papers » ont révélé des montages de fraude fiscale bénéficiant à des clients français et impliquant l’officine Helin International, basée dans l’émirat.

« Oui, je reconnais ma culpabilité et j’accepte la peine proposée. » A la barre du tribunal correctionnel de Paris, Alain B. semble soulagé de mettre un terme définitif à un épisode peu glorieux de sa vie. Il a été pendant des années le bénéficiaire de sociétés offshore aux Emirats arabes unis (EAU) et de comptes bancaires en Suisse et aux Bahamas. A ses côtés, sa mère, Lise, reconnaît également les faits de fraude fiscale et de blanchiment.

Les structures, non déclarées au fisc français, étaient gérées par la société Helin International, une officine accusée d’avoir organisé la fraude fiscale de centaines de clients, majoritairement français, depuis la Suisse, puis les Emirats arabes unis.

Le tribunal correctionnel a validé mardi 12 mars, dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la peine proposée par le Parquet national financier (PNF) à Alain B. et à sa mère : deux ans de prison avec sursis et une amende de 1,75 million d’euros.

En octobre 2021, la benjamine de la famille B. avait été condamnée à la même peine à l’occasion de la toute première condamnation dans le cadre des « Dubaï Papers », une fuite de données de Helin International révélée en 2018 et 2019 par L’Obs et Radio France.

« Un secret encombrant »

L’histoire de la fraude fiscale de la famille B. remonte aux années 1930, lorsqu’un aïeul alsacien, banquier et chef d’entreprise, décide de placer dans des établissements bancaires suisses des « fonds importants », comme l’a rappelé le PNF à l’audience mardi. Une situation taboue au sein de la famille, qualifiée de « secret encombrant » par la présidente du tribunal. Au cours des années 2000, face au besoin d’argent et pressés par les banques suisses de reprendre leur argent en raison de la levée du secret bancaire, les membres de la famille prennent attache avec Henri de Croÿ, un financier franco-belge apparaissant comme le chef d’orchestre d’un réseau international de fraude fiscale révélé par les « Dubaï Papers ». L’enquête a évalué à 115 millions d’euros les avoirs de la famille gérés par le groupe Helin International, dont 65 millions pour Alain et Lise B.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés L’enquête judiciaire sur les « Dubaï Papers » s’accélère avec l’audition du cerveau présumé de l’évasion fiscale

Ces derniers acceptent en 2014 que leur argent soit transféré à une fondation caritative suisse. Une « donation fictive », rappelle la présidente du tribunal, qui précise que l’agent servait ensuite à payer des voyages aux membres de la famille, ou leur était remis en France sous la forme d’espèces ou de cartes bancaires préchargées pour financer une partie de leur train de vie.

Peu après les premières révélations de la presse, en 2018, les deux bénéficiaires se sont manifestés auprès du PNF, en reconnaissant immédiatement le blanchiment de fraude fiscale. A l’audience, les procureurs Caroline Genin et Julien Augereau ont expliqué que les peines proposées à l’encontre d’Alain B. et de sa mère étaient « significatives » en raison des « montants très importants des fonds dissimulés aux services fiscaux », et de « la durée de dissimulation ».

Les magistrats ont toutefois tenu compte du fait que « cette fortune dissimulée a été héritée » et de la « complète coopération » des membres de la famille B. « tant sur le plan fiscal que sur le plan pénal ». En parallèle de l’enquête judiciaire, Alain B. et sa mère ont en effet été l’objet d’un redressement fiscal coûteux. Pour avoir dissimulé 65,5 millions d’euros au fisc, ils ont dû payer 38 millions d’euros d’arriérés et de pénalités sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune.

Lire aussi : « Dubaï Papers » : le PNF lance « un appel de la dernière chance » à des Français pour régulariser leur situation

Plus de 300 personnes dans le viseur du PNF

Après ces deux nouvelles condamnations, ce sont désormais dix clients des « Dubaï Papers » qui ont été jugés à ce jour par le tribunal correctionnel pour des faits de fraude fiscale. D’autres procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pourraient suivre. « A ce stade, 79 personnes ont fait ou font l’objet de vérifications et contrôles de l’administration fiscale, et la plupart sont ou seront concernées par des redressements et des poursuites par le PNF », a précisé la vice-procureure, Caroline Genin. Au total, le Parquet national financier a listé « 322 personnes susceptibles d’avoir eu recours aux services du réseau Helin International », résidents fiscaux français pour la plupart.

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En parallèle, « l’enquête portant sur la société Helin se poursuit en France et à l’étranger », précise la magistrate. La Belgique et la Suisse ont également ouvert des procédures judiciaires contre ce réseau.

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