vendredi, mai 17

Livre. Voici un ouvrage très original sur le fond et la forme. Pour la forme, une mathématicienne, Sylvie Benzoni-Gavage, directrice de l’Institut Henri-Poincaré (IHP), raconte avec passion l’histoire d’une de ses découvertes mathématiques, qui se trouve être en plus assez éloignée de ses propres spécialités, ajoutant au défi. Cette quête est même devenue pendant plusieurs semaines une véritable obsession, doublée d’une pression non pas à publier, mais à faire vite pour présenter l’objet de sa motivation au plus grand nombre. Car cet objet est en fait l’emblème de la Maison Poincaré, un nouveau lieu de popularisation des maths, sur le campus de l’IHP, à Paris : le Rulpidon, du nom que lui a donné l’artiste Ulysse Lacoste. Les visiteurs peuvent voir cette sculpture de 300 kilos dans le jardin depuis le 30 septembre 2023.

Cette forme, à la fois ronde et carrée, qui porte « un nom qui rebondit puis retombe en bouche », selon les mots de son créateur, a des propriétés qui ont amusé, d’abord, puis questionné profondément Sylvie Benzoni-Gavage, ensuite.

Pour l’amusement, elle trouve que le mouvement de cette pièce, dont elle possède aussi des modèles réduits qu’elle peut faire rouler sur sa table de cuisine enduite de farine, s’apparente à des courbes qu’elle connaît bien dans des systèmes dynamiques, comme des pendules, qui sont sa spécialité. Elle remarque aussi que beaucoup de monde se trompe en comptant les trous dans cette pièce. Alors que, clairement, on voit quatre trous, pour un mathématicien topologue, qui a le droit de déformer les objets, sans les couper ou les coller, il n’y en a que trois, comme dans un bretzel.

Pliage, découpage et couture

Puis la spécialiste, qui avec cette remarque de topologie sort de sa zone de confort, se met en tête de décorer cette surface en la peignant de plusieurs couleurs. C’est là que cela se complique, y compris pour le lecteur. Elle voudrait en effet trouver le dessin permettant de colorer le Rulpidon en neuf couleurs, utilisées une seule fois, et délimitant des régions toutes adjacentes (chaque couleur touche les huit autres). C’est là qu’on entre dans sa tête. Tentative naïve, recherche bibliographique, question sur un forum, tâtonnement, simplification du problème, retour au problème initial…

Eurêka final bien sûr, et… amélioration de la solution. L’autrice ne se dévoile pas autant que son prédécesseur à la tête de l’IHP, Cédric Villani, dans Théorème vivant (Grasset, 2012). Et son résultat original a moins de portée. Mais le lecteur trouvera des points communs dans les deux ouvrages. Il apprendra au passage pas mal de notions de topologie et des modes de raisonnement classiques. Il verra aussi que les mathématiciens utilisent le papier aussi pour faire des pliages et des découpages et que la couture peut être utile. Un opportun cahier en couleur l’aidera à mieux profiter de cette aventure. Il pourra aussi la compléter par une éclairante vidéo coréalisée avec Mickaël Launay, chroniqueur régulier du Monde, https://www.youtube.com/watch?v=SlKRwZUc62E

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