vendredi, mai 3

Il est d’usage, en France, de jouer à se faire peur en prophétisant la fin de l’unité de l’Etat dès qu’une réforme constitutionnelle ou législative reconnaît la diversité des territoires de la République. L’annonce de l’attribution constitutionnelle d’un statut d’autonomie à la Corse ne fait pas exception à la règle : des voix s’élèvent contre la reconnaissance, par la Constitution, d’une communauté historique, linguistique et culturelle singulière, parce qu’elle ouvrirait la voie à des revendications communautaristes attentatoires à l’unité de la République.

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Il y a pourtant bien longtemps que la communauté historique, linguistique et culturelle de la Corse est reconnue par la loi, sans préjudice pour la nation française.

Ainsi, l’article premier de la loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la Corse disposait que « l’organisation de la région de Corse tient compte des spécificités de cette région résultant, notamment, de sa géographie et de son histoire ». L’article 40 organisait, quant à lui, « la sauvegarde et la diffusion de la langue et de la culture corses ». Dans un pays qui voue un culte à la loi au point de contester régulièrement la légitimité du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel, il est difficile de prétendre que ces dispositions, qui ont conduit à l’adoption d’un régime juridique totalement dérogatoire au point d’organiser les institutions de la Corse par mimétisme avec celles de l’Etat central (Assemblée de Corse et exécutif de Corse), ne possédaient pas le même potentiel centrifuge que celles qui sont dénoncées.

Il est vrai, cependant, que l’article premier de la loi du 13 mai 1991, en vertu duquel « la République française garantit à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques », a été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il portait atteinte à « l’unicité du peuple français ».

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Toutefois, tant la décision de la juridiction que les débats entre ses membres sont dépourvus d’ambiguïté : c’est la notion de « peuple corse » qui a été jugée contraire à l’unité, mais pas celle qui est relative à la « communauté historique », laquelle n’a jamais été remise en cause par la juridiction constitutionnelle. Mieux, les sages ont repris les mots exacts de la loi, qui procédaient à la même reconnaissance juridique que celle que l’on s’apprête à constitutionnaliser, en jugeant que le titre « De l’identité culturelle de la Corse » est conforme à la Constitution.

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