jeudi, mai 9

[Marc Bonomelli est journaliste indépendant, spécialisé dans l’étude du fait religieux et des nouvelles spiritualités. Auteur des Nouvelles Routes du soi. En immersion chez les nouveaux spirituels (Arkhê, 2022), il analyse dans une chronique mensuelle la spiritualité foisonnante de notre époque et la manière dont elle se réinvente. Des « néodruides » aux « soul surfers », ces nouvelles « routes du soi » semblent traverser tous les domaines, de la santé à la politique, en passant par le numérique, le développement personnel et, bien sûr, les religions.]

« L’Alliance n’est pas réservée à une élite sociale, politique, culturelle ou intellectuelle ! » Ce sont les mots d’un prêtre catholique que j’ai entendus récemment lors d’une visite dans la cathédrale de Lille (Nord). Le clerc commentait un passage de la Genèse décrivant l’Alliance entre Dieu et l’humanité à la suite du Déluge, interprété comme une allégorie du baptême chrétien, qui offrirait gratuitement le salut à tous ceux qui le reçoivent.

Les monothéismes, et l’Eglise catholique (mot issu du grec katholikos, « qui vise l’universel ») tout particulièrement, insistent sur l’universalité de leur message, en se défendant d’être élitistes. Ils le présentent comme différent, voire incompatible avec toute forme d’ésotérisme, mot-valise désignant un enseignement secret, intérieur (c’est la traduction du grec eso), qui serait réservé à une élite d’initiés, caché aux profanes et à la masse des croyants.

Une période de désoccultation

Seulement voilà, est-il encore pertinent pour les autorités ecclésiales de se targuer d’être les garants d’un message accessible aux masses, quand ces dernières désertent les églises pour se ruer vers des enseignements et des pratiques précisément étiquetés « ésotériques » ? Magie, astrologie, alchimie, kabbale, angélologie, divination… En une vingtaine d’années, ces sujets sont passés des fonds un peu honteux des librairies aux têtes de gondole.

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Le mariage de ces notions avec des ouvrages de psychologie populaire et de développement personnel ne fait qu’accroître cette diffusion massive, accentuée par Internet, où des influenceurs les rendent accessibles à un public de plus en plus diversifié. Nombre d’auteurs ont même théorisé « la fin de l’ésotérisme », titre d’un ouvrage du philosophe Raymond Abellio (1907-1986), en 1973. Nous serions ainsi entrés dans une période de désoccultation de la « tradition cachée » : si le contenu des anciens enseignements secrets est divulgué au grand jour, il n’y a ainsi plus lieu de continuer de parler d’ésotérisme.

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