jeudi, mai 2
Un champ de maïs asséché en Zambie.

Le rationnement de l’électricité a commencé en Zambie. Pour faire face aux conséquences de la sécheresse sur les principaux barrages du pays, la compagnie nationale Zesco procède depuis lundi 11 mars à des délestages de huit heures par jour. Elle n’a pas caché que cela aurait un « impact significatif sur les approvisionnements ».

Dans ce pays enclavé de 20 millions d’habitants, grand comme une fois et demie la France, l’accès à l’énergie dépend presque entièrement des centrales hydroélectriques construites sur le fleuve Zambèze et ses affluents. Le lac artificiel Kariba, qui alimente la plus importante d’entre elles, atteint à peine 15 % de sa capacité de remplissage alors que la saison des pluies s’achève dans quelques semaines. « Nous ne pouvons pas exclure de descendre à l’un des niveaux les plus bas jamais enregistrés », a prévenu l’Autorité du fleuve Zambèze, qui gère la répartition de cette ressource en eau partagée avec le Zimbabwe voisin. Les pluies s’étalent normalement de novembre à avril mais cette année, le mois de février a été totalement sec.

Ce déficit pluviométrique a aussi de sévères répercussions sur la production agricole. Fin février, dans un discours à la nation, le président Hakainde Hichilema a déclaré le pays en situation « d’urgence et de catastrophe nationale », incriminant la responsabilité conjointe du dérèglement climatique et d’El Nino, ce phénomène naturel qui, de manière périodique, provoque une hausse des températures et une diminution des pluies sur cette partie de l’Afrique australe. La moitié des récoltes de maïs, la céréale à la base de l’alimentation locale, est considérée comme perdue.

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Un appel à l’assistance internationale a été lancé. L’ONU espère pouvoir mobiliser des fonds pour verser une aide monétaire directe à 500 000 personnes. Des semences plus résistantes à la sécheresse doivent aussi être distribuées aux paysans pour tenter de tirer profit des quelques pluies encore attendues et prévenir les migrations vers les villes. Fin 2023, quelque 2 millions de personnes se trouvaient déjà en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Les populations du sud et de l’ouest sont les plus touchées par la crise.

La production de cuivre menacée

« La Zambie doit faire face à deux crises en même temps. Une épidémie de choléra depuis octobre 2023, en voie d’être contrôlée ; et aujourd’hui, cette sécheresse qui sévit dans plusieurs régions. Le fait de se déclarer en situation de catastrophe va permettre au gouvernement de réaffecter une partie de son budget aux secours. Cela déclenche aussi la possibilité pour les partenaires étrangers d’activer leurs propres mécanismes et fonds d’urgence », explique Béatrice Mutali, la coordinatrice résidente de l’ONU à Lusaka. Le pays n’a eu recours à ce dispositif qu’à deux reprises par le passé, en 2002 et en 2008, à la suite d’une sécheresse et d’une inondation.

Cette fois-ci, ce nouvel aléa climatique survient alors que l’Etat est en faillite et tente depuis trois ans de renégocier sa dette extérieure auprès de ses créanciers publics et privés. En novembre 2020, en pleine crise du Covid-19, la Zambie a été le premier pays à se déclarer en défaut de paiement et à se tourner vers le « cadre commun pour le traitement de la dette » mis en place par le G20 pour les pays à faible revenu confrontés au remboursement de leurs échéances et sans marge de manœuvre financière pour répondre à la pandémie. Le service de la dette absorbait alors plus de fonds que les budgets réunis de la santé, de la protection sociale et de l’agriculture.

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Le gouvernement a trouvé un accord avec les bailleurs de fonds bilatéraux à l’automne 2023, mais la discussion se poursuit avec les opérateurs privés afin d’obtenir un traitement comparable, condition à un compromis final. « C’est un processus d’une extrême complexité. Il faut obtenir des créanciers des concessions qui permettent au pays de ne pas replonger dans le surendettement et lui donnent les moyens de se développer et de faire face à d’éventuels chocs économiques. Pour cela, nous travaillons à partir de scénarios en intégrant plusieurs risques. Mais le climat n’en fait pas partie », admet un banquier impliqué dans le dossier.

« Pourtant, dans le cas de la Zambie, la sécheresse constitue l’un des principaux facteurs d’instabilité macroéconomique, poursuit-il. Elle met en péril les exportations agricoles ou celles de cuivre, dont la production est menacée par les pénuries d’électricité, avec des retombées négatives sur la devise locale et le renchérissement de toutes les transactions libellées en dollars, dont la dette. » Le pays est le deuxième producteur de cuivre en Afrique.

« La saison agricole est fichue »

Alors que la Zambie n’a en rien contribué au dérèglement climatique, les événements extrêmes se reproduisent désormais presque sans répit. Depuis 2012, seule une année n’a pas été marquée par des épisodes de sécheresse plus ou moins intenses ou prolongés. L’ampleur des inondations s’est aussi aggravée, 2023 étant considérée comme une année de crues sans précédent depuis cinquante ans, avec plus de 150 000 personnes affectées.

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« Catastrophe après catastrophe, les familles ont de moins en moins les moyens de rebondir. Sans aide extérieure, la situation ne peut que s’aggraver. Cette année, la saison agricole est fichue et la grande majorité des paysans qui dépendent des pluies ont perdu tout espoir de semer », souligne Chris Mzembe, directeur adjoint de l’ONG Care en Zambie.

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L’augmentation des températures dans cette partie du continent a été deux fois plus rapide que la moyenne mondiale au cours des cinq dernières décennies. Dans son rapport spécial sur les conséquences planétaires d’un réchauffement de 1,5 °C (2018), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) identifie l’Afrique australe comme une des zones probablement les plus sujettes, à l’avenir, à des températures extrêmes et aux sécheresses.

Le ministre zambien de l’environnement, Collins Nzovu, a réclamé que son pays ait accès rapidement au Fonds des pertes et dommages pour financer son adaptation au changement climatique, dont témoigne cette nouvelle crise. La création de cet outil réclamé de longue date par les pays africains a été actée lors de la conférence mondiale sur le climat (COP28) à Dubaï, fin 2023. Destiné à compenser les dégâts des catastrophes ou les pertes irréversibles liées au réchauffement dans les pays les plus vulnérables, il est toutefois loin d’avoir été capitalisé à la hauteur des besoins.

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