jeudi, mai 9

Plusieurs épisodes cruciaux de la vie politique britannique récente auraient sans doute tourné différemment sans Brenda Hale, magistrate à la Cour suprême du Royaume-Uni entre 2009 et 2020, première femme à avoir présidé cette haute juridiction (2017-2020).

En septembre 2019, la Cour a déclaré illégale la décision du premier ministre de l’époque, Boris Johnson, de suspendre le Parlement qui menaçait sa stratégie pour le Brexit. En novembre 2023, la même Cour a statué que le Rwanda ne pouvait être qualifié de « pays sûr », remettant en cause le projet du gouvernement de Rishi Sunak d’y délocaliser le traitement des demandes d’asile.

A 79 ans, Lady Hale continue, sous le titre de baronne Hale of Richmond, de siéger à la Chambre des lords, où elle défend des amendements hostiles à l’actuel projet de loi visant à contourner l’arrêt sur le Rwanda. Son engagement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et pour les droits humains lui a valu, vendredi 15 mars, de recevoir le titre de docteur honoris causa de l’université Jean-Monnet, à Saint-Etienne, où Le Monde l’a rencontrée.

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Depuis le Brexit, de hautes juridictions britanniques, dont la Cour suprême sous votre présidence, ont sanctionné des gouvernements pour avoir cherché à brider les pouvoirs du Parlement. Cela signifie-t-il que l’« Etat de droit » (« rule of law ») et la souveraineté de Westminster, deux principes de base de la démocratie britannique, sont en danger ?

J’espère que non. La Cour suprême ne peut en aucun cas invalider un acte du Parlement, mais elle a le pouvoir de déclarer illégale, nulle et sans effet une décision de l’exécutif. C’est ce qui s’est passé dans les deux cas que vous citez.

Nous avons décidé que le premier ministre ne pouvait conseiller à la reine de suspendre le Parlement pendant cinq semaines à un moment aussi crucial dans l’histoire du pays, alors que nous étions sur le point de tomber de la falaise en quittant l’Union européenne (UE). Il ne s’agissait pas de dicter quoi que ce soit au Parlement, mais d’empêcher le gouvernement de prendre une décision qui interfère avec ses pouvoirs. A propos du Rwanda, la Cour a signifié au gouvernement qu’envoyer des demandeurs d’asile dans ce pays serait illégal, car celui-ci pourrait les renvoyer ensuite vers un endroit non sûr pour eux.

Faites-vous un lien entre le Brexit, le trouble politique qu’il a créé, et une certaine détérioration de la démocratie britannique ?

Nous avons eu deux contentieux à trancher sur le rôle du gouvernement et du Parlement dans le Brexit, mais la Cour suprême n’a eu aucun rôle dans la décision de quitter l’UE. Nous avons tout fait pour essayer de ne pas avoir d’opinion sur cette question, notre préoccupation étant le caractère constitutionnel de la démarche. Le Brexit a été décidé par un référendum qui n’est pas juridiquement contraignant. Il existe une différence entre ce que la loi dit et ce que dit la politique.

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