mercredi, mai 8

Vincent Dietschy avait 4 ans lorsqu’il attrapa son premier goujon, dans l’Alène, en Bourgogne, avec son grand-père. Bien plus tard, en 1984, alors que le jeune Parisien avait été admis à l’Institut des hautes études cinématographiques (Idhec), la fameuse école de cinéma rebaptisée la Fémis en 1986, il continuait de pêcher à la pointe de l’île Saint-Louis, au pied de l’appartement où habita Robert Bresson. « Deux de mes cannes pêchaient la carpe – eschées avec des cacahuètes bouillies – et la troisième pêchait le silure – eschée d’une méga bouillette, parfum cerise ou écrevisse », raconte avec une précision gourmande celui qui, salué par la critique (Julie est amoureuse, 1998, et Didine, 2008), est, au tournant du millénaire, une des promesses montantes d’un cinéma de l’intime.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés La bataille du silure, ce paria devenu encombrant

Le silure : plus gros poisson d’eau douce – il y a deux ans, dans le Gard, on en a hameçonné un qui mesurait 2,62 mètres –, carnassier, prédateur, aussi appelé « poisson-chat », se nourrissant des rivières et de ses berges : gare aux oiseaux imprudents… Mettez Les Dents de la mer (1975), de Steven Spielberg, comme inspiration cinéphilique universelle, ajoutez le fait que les grands-parents maternels de Vincent Dietschy logent près des quais où la brigade fluviale a ses locaux et vous avez la matrice d’un scénario, Silure, que, dès 2011, le réalisateur se met à mijoter.

« Une jeune femme policière, plongeuse à la brigade fluviale de Paris, se trouve confrontée à un phénomène naturel inédit, incarné par un gigantesque silure, terriblement agressif, et tueur d’êtres humains, peut-on lire dans le dossier déposé au Centre national du cinéma et de l’image animée pour une demande d’aide à l’écriture, le 3 février 2014. Tandis que le monstre sème la panique dans la capitale, menaçant la politique du maire à quelques jours du choix de la ville qui organisera les Jeux olympiques, l’héroïne se retrouve en première ligne pour affronter cette figure du mal d’un genre nouveau. Aidée dans son combat par un jeune ichtyologue du CNRS, elle se rapproche dans le même temps de son supérieur hiérarchique, le commandant. »

De quoi séduire des producteurs ? Le projet ne trouve pas preneur. « C’est compliqué d’être avec moi, convient Vincent Dietschy, sourire mi-figue, mi-raisin. J’ai la réputation de fabriquer pour pas cher. Les producteurs savent qu’avec moi il y aura moins d’argent à la clé, que je ne serai pas d’accord sur le casting, tout ça… Pour eux, je peux apparaître comme un ralentisseur, un emmerdeur. Mais c’est ce qui fait que je n’ai pas renoncé au cinéma : ma voix est différente, et je ne veux pas me plier à l’industrie », explique celui qui prépare une série sur le milieu, Auteur, dont il a déjà écrit la première saison. Il va pendant des années peaufiner le scénario du film, et chercher en vain des financements…

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