vendredi, mai 3

Livre. Contre la rougeole, la poliomyélite et bien d’autres maladies infectieuses, l’évidence partagée par les pouvoirs publics et la majeure partie de la population porte un nom : le vaccin. Aux sceptiques et aux réfractaires, on oppose les raisons de l’immunité collective et l’efficacité de la méthode dans la prévention d’une variété de pathologies.

Dans Vaccination (Seuil, 240 pages, 22,50 euros), un essai précis et documenté, l’historien Gaëtan Thomas, membre du Centre de recherche médecine, sciences, santé et société au sein de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, explique que ce consentement à la vaccination est le fruit d’une patiente construction menée par les docteurs, les pouvoirs publics et l’industrie. L’auteur décortique comment, depuis l’après-guerre, le consentement n’a guère rencontré de nette résistance jusqu’aux graves difficultés auxquelles s’est heurtée la campagne contre l’hépatite B en 1994.

Gaëtan Thomas revient aux sources en racontant les débuts du BCG contre la tuberculose. Il met en lumière le rôle du Centre international de l’enfance, fondé en 1949 par le pédiatre Robert Debré, ainsi que les instituts Pasteur et Mérieux, trois acteurs décisifs dans le façonnage des pratiques. Il explique en quoi les calendriers vaccinaux ont forgé de la norme sociale et comment, aussi, les relations de la France avec ses anciennes colonies d’Afrique, soumises à de sévères épidémies, ont fourni un terrain idéal à la mise en œuvre de vaccins, suscitant l’enthousiasme d’une flopée de coopérants médecins qui seraient bientôt amenés à faire valoir leurs vues en métropole.

« Politisation de la santé publique »

Ce récit de l’adhésion est aussi celui de la contestation, et le livre détaille l’impact de la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, créée en 1954, qui s’évertua à souligner les accidents vaccinaux et à interpeller le pouvoir. « Si les opposants à la vaccination reprirent des idées erronées (…), ils parvinrent aussi à mettre le doigt sur des questions faisant débat parmi les médecins », observe l’historien. Entre autres chapitres instructifs, le livre retrace l’évolution de la responsabilité juridique de l’Etat en matière d’indemnisation des effets indésirables graves.

« La politisation accrue de la santé publique a exacerbé les enjeux moraux de la vaccination », relève l’auteur, qui appelle à appréhender les politiques vaccinales avec un esprit critique. En disséquant les difficultés de plusieurs campagnes, son analyse laisse un peu de côté l’impact majeur de la méthode sur l’amélioration de la santé à l’échelle mondiale des dernières décennies. Les vaccins contre le Covid-19, pour ne citer qu’eux, ont évité de 14 à 20 millions de morts en 2021, selon une modélisation parue dans la revue The Lancet Infectious Diseases, et sorti le monde de deux années critiques, dont on n’a pas encore mesuré tous les effets sanitaires et économiques.

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