mardi, mai 7
Photographie extraite de la série « Reconstitutions, pornographie, Sans titre, 2002 », d’Edouard Levé.

« Les urbanistes découvrent parfois des sentiers qui courent à côté des routes qu’ils ont dessinées. Ces lignes se forment pendant des mois, voire des années. (…) Elles coupent les virages, traversent où bon leur semble. Les urbanistes les appellent “chemins de désir”. » Dans son podcast « Les Chemins de désir », la romancière Claire Richard, née en 1985, livre la cartographie de son imaginaire sexuel depuis l’enfance, marquée par un « big bang » à sa majorité : l’apparition de la plate-forme de vidéos pornographiques YouPorn, en 2006. Aujourd’hui, les répliques du séisme se font encore sentir. A l’âge de 12-13 ans, plus de la moitié des garçons se rendent en moyenne chaque mois sur un site pornographique, exposait une étude de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) publiée en mai 2023. Tous âges confondus, un homme sur deux regarde des vidéos pornos tous les mois, et une femme sur cinq.

Défiant les statistiques, de jeunes adultes de moins de 35 ans qui ont grandi un écran entre les mains ne consommeraient donc jamais de contenus X, ou presque. A quoi ressemblent leurs chemins de désir, loin des sillons creusés par le porno ?

Du haut de ses 22 ans, Sofia (les prénoms ont été changés) a exploré sa sexualité sans porno pendant onze ans. Celle qui travaille aujourd’hui dans le cinéma n’en a pas regardé avant sa majorité. « Très jeune, j’ai commencé à me masturber et j’ai atteint l’orgasme. Même si je n’ai employé ce mot qu’à l’adolescence », retrace-t-elle.

« True Blood », vampires et loups-garous

Sous sa couette, en se touchant, Sofia repense en boucle à des scènes de films. Au sommet de son panthéon sulfureux, celle où, dans la comédie musicale Grease, les rebelles Rizzo et Kenickie commencent à s’encanailler à l’arrière d’une voiture, ou bien des extraits des comédies françaises Hollywoo (2011), avec Jamel Debbouze et Florence Foresti, ou Podium (2004), où Benoît Poelvoorde campe un sosie de Claude François. « La plupart du temps, on ne voyait pas les corps. Ce qui m’excitait surtout, c’était les bruits de plaisir, les gémissements des personnages féminins », se remémore-t-elle.

Sofia a conservé un long moment l’habitude d’utiliser des scènes de films pour nourrir ses fantasmes. Lorsqu’elle couche avec son premier copain, elle continue de faire défiler ces images dans sa tête. Ce n’est qu’à 17 ans qu’elle finit par se détacher de ces scènes pour jouir seule et s’inscrire dans le moment présent avec un partenaire. Aujourd’hui, elle ne s’interdit pas de visionner des vidéos pornos. « Mais, depuis six mois, je n’en regarde plus. Je cherche plutôt des dessins érotiques en ligne », confie-t-elle.

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