dimanche, mai 5
Sarah Barukh à Surville le 17 février 2024.

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Une femme fait son jogging sur la plage, coudes volontaires, joues gonflées par l’effort. Ainsi commence le documentaire Vivante(s) (diffusion sur Canal+ le 5 mars), de Claire Lajeunie, qui retrace le combat de Sarah Barukh, romancière de 43 ans devenue une militante de la lutte contre les violences faites aux femmes. Après la publication de plusieurs romans, elle a lancé et dirigé l’ouvrage collectif 125 et des milliers. 125 personnalités racontent 125 victimes de féminicides, paru en mars 2023 chez HarperCollins.

Ce livre-monstre a frappé autant par sa démesure que par son sujet : il regroupe sur plus de cinq cents pages le portrait par plusieurs personnalités de cent vingt-cinq femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Cent vingt-cinq : soit le nombre moyen de féminicides recensés en France chaque année. Un chiffre pour documenter cette « pandémie fantôme », comme l’appellent les Nations unies depuis 2020. Mais aussi une démarche cathartique pour l’autrice, qui a elle-même connu le harcèlement et les coups. « Il s’en est fallu de peu pour que mon nom s’ajoute à la liste », souffle-t-elle. Le film Vivante(s) raconte la genèse du livre jusqu’à sa promotion.

Sarah Barukh y dissèque plus de dix ans d’une relation « toxique et violente » avec le père de sa fille. Un quotidien fait de brimades, de rituels et d’interdits absurdes, de crises de jalousie. Son partenaire tyrannique va jusqu’à lui reprocher d’utiliser la chasse d’eau la nuit, alors Sarah Barukh finit par dormir dans la chambre de sa fille et par utiliser un saladier comme pot de chambre. Ses proches la voient se renfermer et s’isoler, elle qui était autrefois gaie, amoureuse du chant et de la musique. Son conjoint a « éteint le feu », dit le père de Sarah Barukh dans Vivante(s).

Honte d’être désignée comme une victime

C’est à la naissance de sa fille que Sarah Barukh a un premier déclic. « Quand elle est née, je me suis rendu compte que ça n’allait pas. Grâce à mon enfant, ce “troisième œil”, j’ai commencé à observer la situation de l’extérieur et à prendre conscience que j’étais en train de devenir une future victime. » Jusqu’à la dispute de trop, la nuit du 5 au 6 juin 2020, pendant laquelle la femme de 41 ans décide de prendre la fuite.

Elle rassemble à la hâte les doudous et les biberons de sa fille de 3 ans et trouve la force d’aller porter plainte, encouragée par une policière « exceptionnelle », qui lui interdit de rentrer chez elle. Elle raconte éprouver de la honte à être désignée comme une victime de violences, pensant ne pas correspondre au stéréotype. Sarah Barukh a grandi dans un milieu favorisé et aimant, élevée par un père médecin et une mère institutrice et ignore encore que ce type de violences transcende toutes les classes sociales.

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