vendredi, mai 3

La poignée de main est cordiale. « Bienvenue. » Le président du conseil de l’ordre des médecins du Vaucluse, Bernard Arbomont, fait entrer la députée Rassemblement national (RN) Catherine Jaouen à l’intérieur du siège administratif de l’instance. Un tour rapide des locaux, des mains serrées avec les secrétaires et les salariés, et le médecin ouvre son bureau pour échanger pendant quarante-cinq minutes avec l’avocate avignonnaise, ancienne de l’Union pour un mouvement populaire passée au RN, sur la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales, les effets du numerus clausus ou la réforme annoncée sur la fin de vie. « Merci pour cet échange », glisse le docteur Arbomont, en raccompagnant l’élue, ravie de la visite protocolaire.

A Avignon, comme dans les 88 circonscriptions où, depuis juin 2022, des députés RN enfilent leurs écharpes bleu, blanc, rouge pour participer, semaine après semaine, à des cérémonies ou à des manifestations de toutes sortes, les élus de ce parti affinent leur stratégie de « normalisation ». La dissolution du front républicain contre l’extrême droite se double ainsi désormais d’un mouvement moins spectaculaire mais plus profond : l’accoutumance progressive aux élus de la « vague » Marine Le Pen des législatives.

Les députés du RN ratissent et quadrillent. Ils s’enracinent « à l’ancienne », disent leurs opposants. « Comme le PS de Mitterrand », relate un sous-préfet expérimenté, ancien élu, qui les côtoie. « Comme le RPR de Jacques Chirac », selon un sénateur et un préfet de droite, nostalgiques du « chiraquisme ». Comme les maires d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) ou de Perpignan, modèles d’implantation locale dans la mouvance d’extrême droite. Un mouvement confirmé par l’étude systématique, depuis septembre 2023, des comptes des parlementaires du RN sur Facebook, le réseau social le plus rentable pour atteindre les électeurs qui se déplacent encore dans les bureaux de vote.

La conquête des pouvoirs se jouera peut-être dans des « foires à tout », des vide-greniers, des salons agricoles ou des marchés de Noël. Si le mouvement fondé par Emmanuel Macron a renvoyé l’image d’un parti des cadres supérieurs, des grandes métropoles et des présentations PowerPoint, les parlementaires RN sont abonnés aux fêtes de village et le mettent en scène de façon intensive sur leurs réseaux sociaux.

« Evénements conviviaux et chaleureux »

Le député de l’Yonne Julien Odoul : « Les lotos font partie de notre patrimoine populaire chaque semaine ou presque. C’est toujours un plaisir de participer à ces événements conviviaux et chaleureux ! » Celui des Bouches-du-Rhône Emmanuel Taché de la Pagerie : « Inauguration du Salon du vin et des gourmets, organisé par les bénévoles du Lions Club Arles Camargue, en présence de Miss Agricole. (…) Aller à la rencontre des terroirs français et de nos savoir-faire. » Son collègue de Haute-Saône Emeric Salmon : « Nous étions près de 250 personnes hier pour participer au concours de belote et du jeu de la bête à Saint-Bresson. Ces moments de cohésion et de convivialité font rayonner notre ruralité. » L’élu de l’Oise Alexandre Sabatou : « Belle réussite hier pour cette édition de la fête du boudin à Villers-sous-Saint-Leu ! Sous un temps magnifique, devant le resplendissant château de la commune, dans une ambiance bienveillante, cette fête a été un succès ! »

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