mardi, mai 7

Un site payant répertorie les meilleurs coins à champignons partout en France grâce à un algorithme.
Moyennant 48 euros par an, les cueilleurs peuvent accéder à des cartes permettant de trouver morilles, cèpes et autres girolles.
L’initiative de Jordan Monnot, un jeune ingénieur originaire de l’Ain, provoque des réactions contrastées chez les internautes.

C’est bien connu : en France, les cueilleurs de champignons qui donnent leurs coins se comptent sur les doigts d’une main. Ces secrets précieusement gardés, parfois transmis de génération en génération, pourraient toutefois être de plus en plus dévoilés à l’avenir sur Internet. Jordan Monnot, un ingénieur de 31 ans originaire de l’Ain, a eu l’idée de créer un algorithme pour définir les meilleurs coins à champignons partout en France, selon plusieurs critères.

Sur son site chasseursdechampignons.com, Jordan Monnot offre ainsi depuis 2019 une carte de France des sols et des biotopes (NDLR : un milieu biologique incluant différents paramètres comme l’exposition, l’altitude, la nature du sol, le type d’arbres, etc.). Ces cartes estiment les probabilités de trouver certaines variétés de champignons à tel endroit. Le but ? « Aider les cueilleurs à trouver les meilleurs coins à champignons, de manière fiable », explique le fondateur sur son site. « J’ai créé un algorithme qui analyse les données des sols, les arbres présents, les expositions pour définir des lieux où il est possible de trouver des champignons », précise au Figaro Jordan Monnot. Selon ce dernier, ses cartes, qui contiennent « des milliers, voire des dizaines de milliers de coins pour chaque champignon », permettent de « multiplier par dix ses chances » de trouver les meilleures espèces.

Des cartes payantes

Chasseursdechampignons.com a trouvé son public. Le créateur de ce site revendique « plus de 200.000 membres sur Facebook », « des millions de visiteurs chaque année » et « des milliers de personnes ayant déjà trouvé leur bonheur grâce à nos cartes ». Ce bonheur a un coût : il faut débourser 48 euros par an pour connaître les endroits les plus propices à la cueillette de girolles et des quatre espèces de cèpes, et 48 euros supplémentaires par an pour obtenir la carte des morilles. Pour 103 euros par an, il est possible d’obtenir une carte répertoriant les meilleurs endroits de pousses d’une vingtaine d’espèces au total. Parmi ces différents champignons : l’amanite des Césars ou « oronge” » relativement rare et très recherchée, le pied-de-mouton, plus commun, ou encore certains bolets peu prisés des mycophages. 

« Pour les personnes qui vont plusieurs fois par an aux champignons c’est intéressant. Surtout pour ceux qui n’ont pas forcément grandi dans une famille qui avait des connaissances sur le sujet »,   explique au Figaro Jordan Monnot. Ce diplômé de Polytechnique et des Arts et Métiers, passionné par la recherche des champignons depuis tout petit, rappelle que la cueillette n’est pas une science exacte. Celle-ci dépend en effet de nombreux paramètres, dont la météo. « Il n’y a jamais de certitude d’en trouver, donc on conserve cette excitation de la chasse aux champignons. Ce n’est pas un outil de consumérisme mais un outil de découverte », affirme-t-il, alors que l’initiative de Jordan Monnot suscite de nombreuses réactions sur Facebook.

« Je ne vole rien à personne »

Les débats passionnés entre ramasseurs de champignons, habituels sur les réseaux sociaux, ont été relancés depuis la publication d’un article du Progrès consacré à ces cartes controversées, samedi soir. « Honteux. Il est où le plaisir de la recherche et la satisfaction de trouver un champignon ? » déplore l’un d’entre eux sur l’un des groupes Facebook de mycophages. « Inadmissible », renchérit un autre. « C’est une honte. C’est malheureux, il y en a qui vendraient père et mère », regrette également une habituée des cueillettes.

D’autres amateurs de champignons soutiennent Jordan Monnot. « Personne ne vous oblige à acheter ses cartes, il n’y a rien de honteux », estime l’un d’entre eux. « Cette personne doit faire un gros travail pour obtenir tout ça. A chacun de voir s’il veut juste tout, tout de suite, ou s’il préfère explorer et se débrouiller », déclare une autre. Certains sont quant à eux mitigés. « Je trouve sa démarche honnête et correcte mais il ne doit pas ‘en vivre’ pour autant », réagit un cueilleur. 

Après avoir conçu cet outil, Jordan Monnot confie au Figaro avoir « reçu des insultes par mail parce qu’on a trouvé leurs coins à champignons ». Mais il rassure : « Beaucoup de personnes étaient un peu révoltées. Mais ensuite, ils comprennent que je n’ai pas donné leur coin, je donne seulement des données sur le biotope, je ne vole rien à personne. » 

Sur Internet, certains sites gratuits, comme iNaturalist, une cartographie des observations de la biodiversité à travers le monde, permettent également de trouver des coins à champignons.


Julien CHABROUT

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