mercredi, mai 8
Dani Rosenberg, pendant le tournage de « Le Déserteur ».

La fiction résonne parfois étrangement avec la réalité, à en donner des frissons. Il en va ainsi du deuxième long-métrage de Dani Rosenberg, Le Déserteur, chronique de la fuite d’un jeune soldat israélien, Shlomi (Ido Tako), quittant Gaza pour Tel-Aviv, dans le fol espoir de retrouver sa copine et de vivre sa vie. En compétition à Locarno, en août 2023, The Vanishing Soldier (titre international) a été projeté au Festival international du film de Pusan, en Corée du Sud, le 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque du Hamas en Israël.

Ce fut un choc, pour les festivaliers et pour le cinéaste, de voir sur grand écran le personnage à la frontière de Gaza, arrivant à la base militaire de Zikim, l’un des points par lesquels, justement, le Hamas est entré en Israël, le 7 octobre. Le réalisateur, né en 1979, qui vit à Tel-Aviv, explique que Le Déserteur est né de ses « propres angoisses » à l’égard de la situation géopolitique israélienne.

Vous étiez loin de vos proches le jour de l’attaque du Hamas. Comment avez-vous vécu les événements ?

Je venais d’arriver à l’aéroport de Pusan, le 7 octobre 2023 à la mi-journée, j’ai allumé mon portable et j’ai découvert les infos. J’étais sous le choc. Je voulais retourner chez moi, mais la projection avait lieu le lendemain. Pendant la séance avec le public, je me suis dit que mon film était en train de s’écraser sur le mur de la réalité. Un village que nous avions filmé venait de se faire attaquer… Je perdais mes repères, Le Déserteur ne décrivait ni le présent ni un avenir possible, je ne savais plus dans quel espace il se situait.

Lire la critique : Article réservé à nos abonnés « Le Déserteur » : le pas de côté d’un jeune Israélien qui refuse la logique guerrière

Mais l’attaque du Hamas n’était pas à 100 % une surprise, car on vit quand même au bord d’un volcan, c’est un peu comme Pompéi avec le Vésuve à côté. On avait le pressentiment sinistre que quelque chose allait se passer, parce qu’il y a toutes ces années de colonisation des territoires palestiniens derrière…

Comment vit-on aujourd’hui à Tel-Aviv, si près de Gaza, bombardée depuis six mois ?

Quand je suis rentré après le festival de Pusan, Tel-Aviv, d’ordinaire si vivante, était devenue une ville fantôme. Et pourtant, quelques semaines ont passé, et c’est comme si la vie avait repris le dessus, encore plus fort. Il y règne une certaine vitalité boulimique, à l’image de ce verset biblique de saint Paul qui dit : « Mangeons, buvons, car demain nous mourrons. » Inconsciemment, on se rend compte que l’on est à une heure de voiture d’un véritable enfer. On refoule peut-être cette réalité, et cela nous mène à un comportement maniaco-dépressif qui est emblématique de la société israélienne depuis toujours.

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