samedi, mai 4

Vendredi 1er mars, R. (il préfère conserver l’anonymat), un jeune Palestinien, lunettes d’étudiant sérieux, tente sa chance à l’une des onze portes qui permettent aux musulmans d’accéder à la mosquée Al-Aqsa. Les forces de sécurité israéliennes le refoulent. Il se risque à une autre porte. Et encore une autre. Peine perdue : les restrictions sont fermement appliquées, en ce jour de prière : l’esplanade est interdite aux hommes de 15 à 50 ans.

R. a au moins réussi à déjouer les gardes pour entrer dans la vieille ville de Jérusalem, en prétendant qu’il allait prendre des cours de musique. Cela fait un moment, depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, qu’il n’a pas pu aller prier sur le « Noble Sanctuaire », vaste esplanade dont l’ensemble de la surface est considéré comme une mosquée, et l’un des lieux les plus saints de l’islam après La Mecque et Médine. Il s’attend à ne pas pouvoir y retourner pendant le ramadan, sur le point de commencer.

Un Palestinien contestant l’interdiction qui lui est faite d’entrer dans la vieille ville est arrêté par la police israélienne, porte des Lions, à Jérusalem, le 1ᵉʳ mars 2024.

Après l’attaque du Hamas, le 7 octobre, les autorités israéliennes avaient d’abord limité l’entrée à la vieille ville de Jérusalem. Seuls ses résidents avaient le droit d’y entrer. Au bout de trois semaines, les accès ont été peu à peu rouverts, sauf pour la mosquée Al-Aqsa, où 5 000 fidèles ont pu prier le 27 octobre, au lieu des 50 000 habituels. Depuis, les limites d’âge sont maintenues.

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Car l’esplanade, site religieux et symbole national palestinien, est l’une des poudrières du conflit israélo-palestinien. La visite d’Ariel Sharon, en 2000, avait été l’une des causes du déclenchement de la seconde Intifada. Et ces dernières années, le Hamas, pour briser le carcan dans lequel il est confiné à Gaza et attiser les tensions religieuses et régionales, tente de s’imposer comme le protecteur du Noble Sanctuaire.

Le mouvement islamiste a provoqué la guerre de mai 2021 en partie à la suite des raids successifs de la police israélienne sur l’esplanade, causant des centaines de blessés parmi les fidèles. La stratégie de débordement n’avait que trop bien réussi, l’attaque déclenchant une vague d’émeutes chez les Palestiniens d’Israël, en particulier dans les villes mixtes, où cohabitent Arabes et Juifs. L’attaque du 7 octobre a été baptisée « Déluge d’Al-Aqsa » par le Hamas.

« Jeu très dangereux »

Provoquer l’affrontement est aussi le but de certains extrémistes juifs, pour qui Al-Aqsa est avant tout le mont du Temple, là où s’est élevé à deux reprises l’édifice sacré du judaïsme, avant qu’il ne soit détruit par les Romains en 70 de notre ère, dont le mur occidental – dit des Lamentations – est l’un des derniers vestiges. Bien que l’accès à l’esplanade soit interdit par la majorité des rabbins, un mouvement mêlant colons et extrémistes messianiques – juifs comme chrétiens – souhaite s’en emparer pour reconstruire un troisième temple, en détruisant les sites musulmans. En attendant, ils s’y rendent pour prier, plus ou moins ouvertement, en violation du statu quo établi en 1967, après la conquête israélienne de la ville : l’esplanade est un lieu de culte musulman et toutes les autres pratiques religieuses en sont exclues.

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