mercredi, mai 1
Le réalisateur Teddy Lussi-Modeste, en 2017.

Professeur de français en Seine-Saint-Denis, Teddy Lussi-Modeste, 46 ans, également réalisateur (Jimmy Rivière, en 2011 et Le Prix du succès, en 2017), s’est inspiré de son expérience professionnelle pour son troisième film. Pas de vagues raconte l’histoire d’un professeur de français accusé à tort de harcèlement sexuel par une collégienne. A l’heure de #metoo, le film interroge le rapport que notre société entretient avec la parole des victimes.

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Pouvez-vous revenir sur la genèse du film ?

Le film s’inspire d’une épreuve que j’ai dû traverser, il y a quelques années. J’effectuais alors un remplacement de six mois dans un collège jusqu’au jour où j’apprends, dans la plus grande des sidérations, qu’une de mes élèves pense que j’essaie de la séduire. Par la suite, un de ses frères me menace de mort, un autre l’emmène au commissariat. Le principal me dit qu’il ne peut pas porter plainte pour moi au nom de l’établissement et la policière qui me reçoit me dit que je dois me contenter d’une main courante. J’apprendrai plus tard que ni l’une ni l’autre de ces affirmations ne sont vraies. Pendant l’été qui a suivi, j’ai commencé à écrire cette histoire pour le cinéma avec ma coscénariste Audrey Diwan [réalisatrice de L’Evénement, en 2021] puis, en septembre, j’ai retrouvé un poste fixe dans un autre collège. Quelques mois plus tard, une fois l’enquête terminée, les choses sont rentrées dans l’ordre.

Le harcèlement sexuel est un sujet délicat. De nos jours, comment raconter l’histoire d’une jeune fille qui accuse un homme innocent ?

Nous avons souhaité apporter de la complexité à tous les personnages. Ainsi, le professeur a sa part de responsabilité dans l’épreuve qu’il traverse. En sortant du cadre, il permet à l’incident de survenir. C’est un idéaliste, mais, derrière l’idéalisme, il y a aussi une forme d’orgueil. De même, il nous paraissait essentiel – et même moral – de ne pas traiter Leslie comme une menteuse : la jeune fille a vraiment cru que son professeur voulait la séduire. La spécificité de l’histoire est qu’il n’y a pas un coupable et une victime, mais deux victimes. En s’inscrivant dans le mouvement de libération de la parole des professeurs, le film accompagne le mouvement de libération de la parole des victimes.

Vous enseignez au collège depuis 2006. Selon vous, comment éviter la propagation de fausses rumeurs de harcèlement ?

Comme le film ne cesse de le montrer, nous avons besoin de concevoir des protocoles plus efficaces pour recueillir la parole des victimes à l’école. Il faudrait, selon moi, recruter dans chaque établissement un référent harcèlement, quelqu’un qui soit apte à prendre en charge les élèves et les professeurs en souffrance. Il m’est arrivé de devoir gérer des problèmes de ce type sans être suffisamment formé pour cela. Un jour, une mère de famille m’appelle à 7 heures du matin pour me dire que sa fille est en photo sur les réseaux sociaux avec un commentaire que je vous laisse imaginer… Que faire ? J’en ai parlé au conseiller principal d’éducation qui a suggéré à la famille de porter plainte.

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