samedi, mai 4

ARMES – Une « menace à la sécurité nationale » : l’expression a tout pour faire démarrer la machine à fantasme. La Russie, aurait des moyens de « déstabilisation militaire » d’origine spatiale, d’après l’élu républicain de l’Ohio Mike Turner. Il s’agirait de l’envoi d’armes nucléaires en orbite, selon plusieurs sources citées par l’agence de presse Reuters. Des bombes nucléaires dans l’espace ? Effrayant… « Seulement si l’on ne connaît rien au sujet », tranche Bleddyn Bowen, professeur à l’université de Leicester spécialisé dans la géopolitique de l’espace, contacté par Le HuffPost.

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Comme vous pouvez en effet le voir dans la vidéo en tête de cet article, il n’y a pas de cause de panique dans cette annonce, ou plutôt, pas plus qu’en temps normal. D’abord, l’arme nucléaire que la Russie est soupçonnée de mettre en place est une arme visant les satellites en orbite, explique Reuters. Ce qui, en soi, n’a rien de nouveau : « C’est la forme la plus simpliste » de la guerre dans l’espace, explique Bleddyn Bowen.

Mettre une bombe menaçant les satellites en orbites, cela n’est en effet guère différent des essais de missiles antisatellites que les États-Unis pratiquent eux-mêmes depuis… 1957. Depuis, la Chine, l’Inde, ou bien sûr la Russie ont montré qu’ils étaient capables, eux aussi, de faire exploser depuis la terre un objet orbitant au-dessus de nos têtes, quitte à provoquer l’ire de la communauté internationale en raison des débris occasionnés.

« Pire que le gaz moutarde »

Mais tout de même, la mise en orbite de la technologie nucléaire est une perspective angoissante. En tout cas, si l’on oublie que des centaines de têtes nucléaires sont déjà capables d’atteindre les villes françaises, américaines, russes… En l’espace de quelques minutes et sans que l’on ait le temps ou les moyens techniques de les intercepter.

Certes, il existe un projet (et peut-être plus) documenté de satellite russe utilisant un moteur nucléaire pour se propulser, clairement dans une optique d’intervention en orbite. Mais là encore, il ne s’agit ni d’une révolution, ni même d’une spécialité moscovite. Tant les programmes militaires sont secrets, on ne peut en parler avec certitude, mais on peut « raisonnablement supposer » que des satellites militarisés évoluent déjà au-dessus de nos têtes, explique le professeur. « La Chine et les États-Unis ont des programmes avancés de satellites militaires manœuvrables dans le but de détruire d’autres satellites. Cela n’a rien d’un “game changer” ».

Quant à l’utilisation du nucléaire comme arme pour venir à bout d’un satellite, même sans évoquer le démenti russe sorti peu après les allégations américaines, l’idée relève carrément de l’absurde pour notre expert : « C’est pire que le gaz moutarde [utilisé dans les tranchées durant la Première Guerre mondiale], parce que là, vous ne pouvez même pas compter sur le vent. Les effets d’une explosion nucléaire sont encore plus imprécis, touchant tous les satellites des environs, causant des pannes électriques à des milliers de kilomètres à la ronde […] Or les Russes sont eux-mêmes très dépendants des satellites ! »

Derrière la grande peur du satellite nucléaire, un peu de mise en contexte s’imposait donc. Un satellite antisatellite ? Rien de neuf. Aux capacités nucléaires ? Au pire, une menace qui n’a rien que de très connu depuis la Guerre froide. « C’est de rester calme dont nous avons besoin maintenant, pas de paniquer. C’est le plus important », conclut Bleddyn Bowen.

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